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Un point c'est (pas) tout

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Critique cinéma : Josep

Publié par Christelle Point sur 3 Octobre 2020, 14:42pm

Février 1939, brutalement confrontée au flot des espagnols républicains fuyant l’avancée des troupes franquistes en Catalogne, la France ouvre en catastrophe des camps de concentrations pour parquer ces hôtes encombrants dont elle ne sait trop que faire. Dans l’innommable camp de Rivesaltes se trouve Josep Bartoli, un artiste espagnol engagé qui cherche sa fiancée Maria, perdue dans la cohue. En l’attendant, trompant la violence et la faim, il dessine sur des tous petits morceaux de papier que lui fait passer Serge, une jeune gendarme français. C’est l’amitié improbable entre un prisonnier et son gardien qui sauvera Josep, et qui lui permettra de s’enfuir au Mexique, puis aux Etats-Unis, de connaitre la consécration sans jamais oublier l’exil, comme une blessure mal refermée.

Sélectionnée pour un festival de Cannes 2020 qui n’aura jamais lieu, « Josep » est un film d’animation assez étonnant dans sa forme et sur le fond, qui a désormais sa chance sur grand écran. Le film très court (1h15) de Aurel est d’abord déroutant par sa forme. On est bien loin  de l’aquarelle des « Hirondelles pour Kaboul » ou du trait bien net de « Persepolis ». Ici, on est dans un film d’animation aux images un peu saccadées, comme si on assistait plus à une succession de dessins mis bout à bout qu’à un film d’animation traditionnel. Le dessin est particulier, et je serais bien en peine de lui attribuer un adjectif. J’imagine qu’il se rapproche volontairement de celui de Josep Bartoli, même si je dois humblement reconnaitre que je ne connaissais pas cet artiste avant de voir le film. Mais les œuvres de Josep Bartoli elles-mêmes sont intégrées au film, elles ponctuent le récit, elles sont même reconstituées traits par trait en guise de transition. On ne va pas se mentir, il faut quelques minutes pour « accepter » ce graphisme assez peu conventionnel mais une fois qu’on est entré dans le film, alors on comprend que ce parti-pris n’enlève rien à la pertinence du propos, bien au contraire. En jouant sur les touches de couleurs, les constates, les esquisses, Aurel n’est jamais démonstratif mais ce qu’il suggère se suffit à lui même. « Josep » n’a qu’un défaut de forme, il est trop court, et un peu déséquilibré puisque la seconde partie de l’artiste, celle en Amérique, celle de la reconnaissance, celle du retour à Barcelone après la mort de Franco, est expéditive. En réalité, dans le parcours du Josep Bartoli, ce qui intéresse Aurel c’est la France et ses camps de concentration. Pour incarner ses personnages, il a demandé à Sergi Lopez, à Gérard Hernandez et à Bruno Solo de tenir les 3 premiers rôles. Qu’on-t-il en commun ? Ils ont dans leur sang cette Espagne républicaine qui paya le prix du sang et de l’exil et qui fit de la France son pays d’adoption. Alors, j’imagine que pour eux, « Josep » n’est pas tout à fait un doublage comme les autres. A leur côtés on trouve une pléiades de noms bien connus : Valérie Lemercier, Thomas VDB, Sophia Aram, François Morel, tous venu apporter leur talent, parfois dans des rôles minuscules, presque anecdotiques. Pendant 1h15, et je répète que cela est bien trop court, le scénario nous emmène dans une France de 1939 bien laide et (de facto ?) bien mal connue. « La Retirarada », c'est-à-dire l’exil de 500 000 espagnols à travers les Pyrénées en plein hiver et à pieds, sans bagages ni rien, avec les troupes franquistes à leur basques, cette épisode là n’est pas montré, sauf au travers de quelques images du générique. Lorsque le film débute, les réfugiés sont entassés à Rivesaltes dans des camps même pas construits, preuve que la France n’avait pas prévu, ou voulu prévoir, cet afflux d’hommes, de femmes et d’enfants. Elle les parque en les entourant de barbelés, sans nourriture, sans soin, sans rien et met juste quelques gendarmes pour les faire tenir tranquille, le temps de savoir si elle peut les renvoyer à Franco, ou pas. Tout ce que je sais de ce triste épisode est illustré par le film, y compris l’hostilité d’une partie des français (pas tous), y compris l’attitude ambiguë des tirailleurs sénégalais (pas tous), y compris la violence des gendarmes (pas tous), y compris aussi la tentative des émissaires de Franco pour convaincre faussement les exilés de revenir, ce que certains feront (beaucoup seront fusillés). Le film évoque aussi les affrontements mortifères entre antifranquistes, les anarchistes qui s’opposent aux communistes qui s’opposent aux Républicains, ces rancœurs jamais surmontées qui leur ont fait perdre la Guerre Civile. Tout ce canevas historique, le film l’évoque, c’est vrai, et cela apporte surement quelque chose à ceux qui ne connaissent pas bien la Guerre Civile espagnole en tant que fait historique. Pour ma part, étant donné que je n’ai rien appris de nouveau sur ce plan là, je ne peux m’empêcher de trouver « Josep » un peu léger, un peu expéditif, un peu simpliste aussi par moment. Et puis je l’ai dit, une fois l’évasion accomplie, le film est déjà presque terminé, la vie au Mexique, la rencontre avec Frida Kahlo, la renommée, le retour en Espagne, au mieux c’est montré en quelques dessins, au pire c’est juste résumé en quelques phrases. Du coup, je suis un peu frustrée aussi ce côté-là. La meilleure idée du scénario, c’est d’avoir pris le parti de raconter tout cela par l’intermédiaire de la mémoire (un peu embrouillée) de Serge, qui raconte à son petit fils ce que visiblement il n’ jamais raconté à sa fille. « Josep » a l’immense vertu de montrer la réalité d’une République Française qui, obnubilée par le « péril rouge », a ouvert des camps de concentration dés 1939 (sans attendre l’occupation). Quand on voit l’attitude des gendarmes français, des autorités françaises avec les réfugiés espagnols, on comprend bien tout ce qui adviendra dans les 5 années suivantes. Le devoir de mémoire, il passe aussi par Rivesaltes.

La bande annonce de "Josep"

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