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Un point c'est (pas) tout

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Le coin des livres : Et c'est ainsi que nous vivrons

Publié par Christelle Point sur 22 Avril 2024, 15:17pm

En 2045, Les Etats Unis d’Amérique n’existent plus. Tout s’est impulsé en 2020 avec le Président Trump, les Républicains n’acceptaient plus de perdre les élections, le Président qui a succédé à Joe Biden a mené une politique de plus en plus droitière, ultra conservatrice et évangélique jusqu’au point de rupture. En 2035, les côtes Est et Ouest (l’Amérique Démocrate, pour schématiser) ont décidé de que cela n’était plus possible de vivre dans le même pays que les Etats de « Bible Belt », ils ont fait sécession pour devenir la RIU. En RIU, la démocratie en a quand même pris un sacré coup sur la tête : la surveillance électronique est partout, la vie privée n’est plus qu’un souvenir, la liberté individuelle est une chimère. Mais dans les Etats du centre, les Etats Républicains, c’est pire. La CIU est une théocratie moyenâgeuse qui se rapproche dangereusement du Gilead de la « Servante Ecarlate ». Samantha Spenger travaille pour les service de sécurité de la RIU, et elle reçoit pour mission de se rendre sous couverture en CIU pour exécuter une agente ennemie. Cette agente se nomme Caitleen Stenger, elle porte le même nom et pour cause, cette jeune sudiste est la demi-sœur cachée de Samantha.

Douglas Kennedy frappe très fort avec cette dystopie, un genre qu’il n’avait jusqu’ici jamais expérimenté. Kennedy (que l’on sait profondément démocrate, puissamment anti-Trump et délicieusement francophile) semble très effrayé par le devenir de son pays et la fracturation de plus en plus nette et imparable de la société américaine. Alors, pour alerter ses compatriote (ou peut-être pour conjurer le sort), il pousse le curseur jusqu’à imaginer une guerre civile (tout est raconté au début du roman, et ça fait froid dans le dos) qui a pulvérisé les USA et les a transformé en deux pays ennemis telles la RFA et la RDA de l’après-guerre. Ici, il y a même une zone neutre (la ZN ou quasiment tout le roman se déroule) dans le Minnesota avec une ville coupée en deux, un no man’s land, des espions sous couverture, des informateurs, des tensions diplomatiques. « Et c’est ainsi que nous vivrons » est une dystopie mais aussi et surtout un roman d’espionnage. On y suit l’agente Samantha Stengel en mission d’infiltration sous couverture à Saint Paul, où elle doit exécuter sa demi-sœur. Le fait d’avoir ramené cet affrontement RIU/CIU à un duel entre sœurs fait peut-être beaucoup pour la tension nerveuse du roman et le suspens mais ce n’est pas ce que j’ai préféré, j’ai trouvé que cela parasitait un petit peu le sujet de fond, en le réduisant à un duel. Même si les scènes de tensions sont souvent très efficaces (la mission en CUI notamment, sur quelques heures, est particulièrement réussie et anxiogène), ce n’est pas cette petite histoire de sœur (rivales dans le cœur de papa) que j’ai préféré. Surtout que je l’avoue, le rebondissement final ne m’a pas surprise, je pressentais le coup fourré depuis le début. Non, ce qui est fascinant dans le roman de Douglas Kennedy, c’est la peinture qu’il fait de la double dictature qui s’est emparé des USA. Du coté Républicains c’est plié : on est dans une théocratie qui a interdit tout ce qui n’est pas dans la norme chrétienne, qui exécute les opposants au lance flamme (scène d’ouverture, hallucinante), c’est l’enfer et notamment (ô surprise) pour les femmes. Mais du coté démocrate ce n’est pas non plus le paradis car le milliardaire de la Tech à l’ origine de la sécession, Chadwick, à fait implanter des puces dans chaque citoyen, pour leur « Bien » évidemment. Du coup, même si en apparence la démocratie est sauve, en réalité la police de la pensée est implacable. Le chapitre du début, qui explique comment on en est arrivé là, est proprement terrifiant. D’ailleurs tout le roman est terrifiant et cela ne serait pas le cas s’il était fantaisiste ou totalement improbable. Je ne m’attendais pas à un tel brulot politique de la part d’un auteur qui a plus souvent traité de la finesse des sentiments humains. « Et c’est ainsi que nous vivrons » est un livre que je ne peux que chaudement recommander : intense, pertinent, tendu et franchement flippant, ce roman à mi-chemin entre Margaret Atwood et John le Carré fait mouche. Douglas Kennedy a peur pour son pays, et sa peur est contagieuse.

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