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Un point c'est (pas) tout

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Critique cinéma : Vivants

Publié par Christelle Point sur 18 Février 2024, 15:49pm

Il y a 15 ans « Reporters » étaient une émission de reportage qui envoyait ses journalistes sur les terrains de guerres, qui faisait du journalisme d’investigation, des reportages « coups de poing ». Aujourd’hui, le journalisme est en crise, la chaine les envoie faire des reportages sur les commandos vegan ou la mode, leur diffuseur leur demande de « faire rêver » au lieu d’informer. C’est donc dans une salle de rédaction en crise que débarque Gabrielle, jeune stagiaire en quête d’expérience.

Le film d’Alix Delaporte, étrangement nommé « Vivants » (je ne comprends pas bien le choix de ce titre mais passons…), fait invariablement penser à tous ces films français qui vous immerge dans le quotidien d’une profession et vous le montre sous l’angle d’un néophyte. Que ce soit dans le monde l’hôpital, de l’enseignement, des pompiers, de la police, force est de constater que cela donne souvent des films de qualités, à défaut de donner des films follement originaux. Ici, c’est donc de journalisme dont il va être question, et pour bien enfoncer le clou, on copie l’affiche sur celle de « Spotlight ». Mais à la différence de ce grand film oscarisé, ici pas de réelle intrigue. Alix Delaporte nous offre un film choral sur une profession en crise, une profession en pleine mutation, le journalisme. C’est de journalisme télévisé dont il est question, mais le film aurait pu être construit sur le sujet du journalisme de presse écrite, la problématique aurait été la même. Son film est bien mis en scène, bien mis en image (avec quelques jolis plans lors de la fashion week) et le rythme ne baisse pas d’intensité. Humour potache, un peu de poésie (avec la girafe en ballade dans Paris), mais aussi une certaine gravité lorsque l’un des journalistes envoyé en Centrafrique revient blessé avec dans sa caméra des images quasi insoutenables. Alix Delaporte choisit souvent de filmer les journalistes visionnant les images plutôt que de montrer les images elles-mêmes, elle laisse les regards se détourner devant l’horreur, les larmes venir aux cils devant l’angoisse, c’est un parti-pris intéressant et plein de pudeur. Si on peut trouver certaines scènes étranges, parfois incongrues (le post générique de fin par exemple, totalement improbable), et même parfois inutiles, force est de constater qu’elle est parvenue en 90 minutes à créer une vraie empathie avec ses personnages hauts en couleurs. A tel point que l’on trouve son film trop court, à la fin trop abrupte, et qu’on est un peu frustré lorsque la lumière se rallume. Ce n’est pas souvent en sortant d’une salle de cinéma qu’on se dit que tout le film qu’on vient de voir aurait été une bonne base pour une série (comme « Hippocrate » l’a été pour l’hôpital public par exemple). C’est aussi parce que les personnages sont bien écrits qu’on ressent cette petite frustration. Roschdy Zem est un directeur de rédaction tiraillé entre son passé de grand reporter et son quotidien de journaliste « moderne », il est très bien mais on a un peu trop l’habitude de le voir dans ce genre de rôle de « sage » un peu taiseux.  Alice Isaaz incarne jeune stagiaire volontaire et débrouillarde, Pascale Arbillot une reporter surmenée, Vincent Elbaz un reporter tout terrain revenu de tout mais indéniablement courageux. Jean-Charles Clichet hérite sans doute du rôle le plus décalé, un journaliste en proie à ses addictions, un type hyper pointu capable de fulgurances géniales mais très plombé par un mode de vie qui va probablement lui coûter cher à long terme. Cette rédaction ressemble à un îlot de résistance au milieu d’un océan de journalisme « moderne », une sorte de mélange entre « Compléments d’enquête » et d’ « Envoyés Spécial ». Leur moyens diminuent, les pressions du diffuseur sur le choix des sujets sont de plus en plus fortes, les concessions de plus en plus nombreuses. Sous le couvert du film choral et d’une certaine bonne humeur potache, c’est un film très pessimiste sur le métier de journaliste, et cela devrait nous alerter sur un modèle en voie de disparition, l’investigation. Le scénario part un peu dans tous les sens en multipliant les sujets : la Centrafrique,  les vegans, la mode, l’hôpital public, ça tire tout azimut et forcément, on est frustré car ces sujets sont effleurés puis chassé par un autre. Je trouve que le film est inabouti sur certains aspects, notamment sur la déontologie, sur les conflits d’intérêt avec le diffuseur, la concurrence des réseaux sociaux, la question des « fake news ». Le film ne dure que 90 minutes  il n’y avait donc pas de place pour évoquer tout ceci avec acuité. En revanche, le film se perd un peu avec une ébauche de romance un peu inutile et sans grand intérêt. « Vivants » est donc au final un film qui ne manque pas d’intérêt, bien incarné avec des rôles très écrits, mais qui ne fait qu’effleurer les problématiques lourdes et importantes d’une profession essentielle pour la démocratie : « Vivants » est un film frustrant.

La bande annonce de "Vivants"

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