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Un point c'est (pas) tout

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Le coin des livres : La Goûteuse d'Hitler

Publié par Christelle Point sur 21 Janvier 2021, 16:01pm

Allemagne, 1943, Rosa est une toute jeune mariée berlinoise et son mari se bat sur le front de l’Est. Ne pouvant rester seule dans une grande ville régulièrement bombardée, elle s’est réfugié chez ses beaux-parents Herta et Joseph à Gross-Partsch. C’est précisément dans cette petite ville de Prusse Orientale qu’Hitler a établi sa tanière. Un matin, elle est recrutée avec d’autres jeunes femmes du coin (de force bien sur) par les SS pour devenir goûteuse. Hitler, complètement paranoïaque, veut que tout ce qu’il mange soit préalablement goûté. Voilà Rosa, dans une période de restriction, obligée de manger la peur au ventre au milieu d’autres femmes qui n’ont rien en commun avec elle et la regardent comme une « Berlinoise ». Avec ce roman assez court, inspiré par l’histoire vraie de Margot Woelk, l’auteure italienne Rosella Postorino nous raconte l’histoire étrange de Rosa, devenue à son corps défendant un petit engrenage de l’immense machine nazie. Son histoire est emblématique de celle de beaucoup d’allemands et d’allemandes, qui n’étaient pas nazis mais qui, piégés par la guerre, la peur, la violence, se retrouvent à participer à l’entreprise mortifère du Troisième Reich. L’originalité du récit de Rosa (dont on ne sait pas à quel point il est romancé) c’est dans ce statut étrange de goûteur, un héritage de l’Antiquité révélateur du niveau de paranoïa d’Hitler. Le roman, heureusement, ne se cantonne pas à cet aspect de la question. Rosa noue des vraies relations complexes (et parfois malsaines, ambiguës, étranges) avec les autres goûteuses, mais surtout avec un SS insaisissable et qui le restera jusqu’à la fin. C’est un roman de femme qui aborde des questions de femmes en période de guerre, l’avortement, le viol, la question de l’absence, de l’abstinence, mais qui aborde aussi de biais la question des juifs allemands et des antinazis, de cette résistance passive ou active (avec l’attentat manqué de Claus Von Stauffenberg). Plus le roman avance plus la guerre semble perdue, plus les goûteuses sont sous tension, plus leur situation semble précaire et dangereuse. L’invasion russe et la retraite en catastrophe vers Berlin auraient pu conclure le roman, ça aurait été une fin logique. Sauf qu’une troisième partie nous transporte en 1990, auprès d’une Rosa vieillissante dans une Allemagne unie toute neuve et l’on apprend de cette manière ce qui est advenu d’elle après la guerre, et combien cette expérience de goûteuse aura marqué sa vie. Écrit de façon fluide, agréable à lire avec des chapitres courts, « La Goûteuse d’Hitler » rencontre un vrai succès et je comprends pourquoi. Évoquant un aspect très original, quasi anecdotique et mal connu de la Guerre, le roman est surtout une formidable occasion de montrer ce que c’est d’être une femme pendant un conflit. Pendant que les soldats allemands se battaient contre leur ennemi, étaient blessés, prisonniers ou tués, les femmes allemandes, elles, se débattaient avec une réalité cruelle et étaient en proie à une violence qui venait non pas de l’ennemi, mais de leurs propres compatriotes. Instructif et percutant, ce petit roman est une indéniable réussite.

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M
Merci, au plaisir de vous voir ????
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