Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Un point c'est (pas) tout

Un point c'est (pas) tout

Blog sur tout ce qui rend la vie plus chouette...


Critique cinéma : Oppenheimer

Publié par Christelle Point sur 22 Juillet 2023, 09:10am

Au début des années 50,  Robert Oppenheimer, concepteur de la première bombe atomique de l’Histoire, est auditionné par une commission qui envisage de lui enlever son accréditation « secret-défense ». Lui, héros de tout un pays moins de 5 ans auparavant, est interrogé sans ménagement sur ses convictions de gauche, ses sympathies avec le Parti Communiste et son positionnement (tardif) en faveur d’une désescalade nucléaire. Dans cette ambiance paranoïaque de Guerre Froide (les Russes sont sur le point d’avoir la Bombe), il s’explique comme il peut, maladroitement, devant une commission qui a de toute façon décidé de la mettre au placard.

Comme tous les films de Christopher Nolan, il m’est très difficile de dire après coup ce que je pense de son travail. Je ne suis pas une grande fan de ce cinéaste, à part avec « Dunkerque » il m’a souvent laissé un peu sur le côté de la route. Ici, avec « Oppenheimer », on se retrouve devant un film très (trop) long, qui fourmille à la fois de bonnes idées de mise en scène hyper réussies, mais aussi de défauts exaspérants. Comme à son habitude, il déstructure le temps. En couleur,  il filme la vie avant et pendant la conception de la bombe. En couleur, il filme l’audition devant la commission, les témoins qui se succèdent et la trahison qui se profile. En noir et blanc, un flash forward en 1954 ou l’Amiral Strauss (ancien directeur de l’agence atomique américaine) tente de se faire valider par le Sénat comme futur ministre d’Eisenhower, et son audition se focalise sur ses rapports complexes avec Oppenheimer. Et le film navigue en permanence entre ces trois périodes. On peut aussi découper « Oppenheimer » en trois morceaux : avant la bombe (pas le morceau le plus réussi), pendant la bombe, après la bombe. Que dire d’autre du travail de Nolan ? Qu’il multiplie (parfois à l’excès) les bonnes idées de mise en scène comme les mauvaises, parfois même dans un même domaine. Par exemple, il utilise le son et la musique avec finesse, en en faisant presque un personnage, passant du vacarme insupportable au silence parfait (la scène de l’explosion à Los Alamos est de loin la plus réussie, au niveau de l’image, du son, de la mise en scène, elle est parfaite). Mais le son est beaucoup trop fort, la musique souvent dissonante, « Oppenheimer » est une souffrance au niveau des oreilles, et dés la première scène. Mettre en image les « visions », les « sentiments » d’Oppenheimer à base de flash atomique, de feu, de particules, tout ca est intéressant, le faisant marcher sur un cadavre carbonisé au summum de sa gloire,  au moment pile d’une prise de conscience très tardive, c’est une bonne idée. Le montrer nu avec sa maitresse en pleine salle d’interrogatoire pour métaphoriser la mise à nu de son âme, c’est beaucoup  moins subtil. En peut ajouter pour finir que son film est vraiment trop long (3h01) avec une dernière partie très bavarde, très étirée, qui laisse une impression d’indigestion au sortir de la salle. Autre défaut, point de vue scénaristique cette fois, le film n’est à aucun moment pédagogique, zéro concession là-dessus : tu ne comprends rien à la mécanique quantique ? Peu importe, on ne t’expliquera rien. Tu n’es pas très au fait des subtilités de la vie politique américaine ? Tans pis pour toi, tu te débrouilleras avec ce qu’on te montre. Les subtilités historico-scientifiques du XXème siècle t’échappent ? On te balance les noms de Fermi, Heisenberg ou Bohr et fais avec ! C’est bien d’être exigeant, à une époque où le spectateur est sans arrêt pris pour plus bête qu’il n’est au cinéma, mais là Christopher Nolan va perdre pas mal de monde au passage. Le mélange des temporalités couplé à cette matière brute, on sort des 3h d’« Oppenheimer » complètement lessivé ! Pour apprécier les finesses du scénario, la complexité des rapports entre les personnages, il faudrait peut-être digérer cette première séance et le revoir plus tard, tranquillement, une deuxième fois. Reste le casting, énorme point positif du film. Ca s’est bousculé pour travailler avec Nolan : Rami Malek, Kenneth Brannagh, Matt Damon, Emily Blunt, Casey Affleck, Gary Oldman (totalement méconnaissable en Truman !), Matthew Modine, Jack Quaid, Florence Pugh, et j’en oublie,  le casting est impressionnant. Mais je voudrais parler surtout de deux personnages. D’abord Oppenheimer lui-même, que Cillian Murphy incarne de façon assez incroyable. Ce personnage insondable et insaisissable, qui n’arrivera jamais à exprimer simplement un sentiment clair, reste un mystère au bout de 3 heures de film, alors qu’il est de toutes les scènes ou presque. Créateur de la bombe A, qu’il met au point presque plus par défi  scientifique que comme arme, il ne semble prendre conscience du monstre qu’il a crée qu’en voyant partir les deux bombes de Los Alamos à destination du Japon. Assailli par les scrupules, pour ne pas dire les remords, il perd pied pendant une scène de discours (remarquablement filmée). Murphy est incroyable et Robert Downey Junior l’est également. Je dis et je redis combien je trouve cet acteur mésestimé, et toutes les scènes en noir et blanc braquées sur lui sont certes longues, bavardes, parfois tortueuses mais Robert Downey Junior les irradie (sans mauvais jeu de mot) par sa seule présence.  « Oppenheimer » était un film très attendu, et la salle de cinéma était pleine. Comme d’habitude avec Nolan, ce film va scinder les spectateurs en deux, ceux qui crient au génie et ceux qui se seront ennuyés ferme. Moi, je me situe un peu entre les deux.

La bande annonce de "Oppenheimer"

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article

Archives

Nous sommes sociaux !

Articles récents