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Nicole, une sexagénaire très désargentée et très isolée, est retrouvée morte noyée. Tout le monde veut croire à un suicide lié au désespoir et à la solitude, et en premier lieu sa fille Aline, haut fonctionnaire ambitieuse du ministère de la Justice. La mort suspecte de sa mère ne peut être pour elle qu’une source de problèmes, alors sous son influence tout le monde opte pour le suicide. Mais le petit fils de Nicole, exilé aux Etats-Unis, ne croit pas une seule seconde à la thèse officielle et embauche l’équipe de Françoise Poisson pour creuser. Un second décès impasse de l’Ecrevisse, dans l’immeuble de la défunte, conforte l’équipe de privés qu’il y a quelque chose de pourri à deux pas de l’Opéra du Rhin.
Le nouveau roman de Renée Hallez nous emmène encore une fois dans l’intimité d’une famille dysfonctionnelle, ce qui est quand même un peu sa marque de fabrique. C’est pour cela que ses romans plaisent : une famille on en a tous une et elles sont toutes un peu dysfonctionnelles, quand on y pense. Mais celle de Nicole est particulièrement tragique. Cette femme autrefois aisée à tout perdu a force d’avoir rendu des services et elle est aujourd’hui dans une misère sociale et une détresse affective qui, dans les premiers chapitres, fait assez mal au ventre. Sa seule famille c’est une fille hautaine et sans affect, une petite fille droguée qui la rackette et un petit fils chéri à 5000km, qui ignore tout de la situation. Assez peu de personnages dans ce roman, donc impossible de ne pas tout comprendre et suivre facilement. Les caractères sont bien trempés et certains personnages sont quand même sans nuance, que ce soit chez la victime ou dans l’équipe d’enquêteur. Ce qui m’a un peu choqué, je dois dire, c’est l’indifférence (apparente ?) de mère qui perde leur fils, de fille qui enterre leur mère, comme si le chagrin était désormais une péripétie, un mauvais moment à passer, un désagrément dans un chemin de vie tournée vers autre chose. Il y a pas mal de personnages peu fréquentables dans ce roman, des gens ambitieux, hautains, autocentrés. Pour Renée Hallez, plus on monte dans la hiérarchie sociale, moins on est fréquentable on dirait ! Je force le trait évidemment mais il y a un peu de cela quand même. L’intrigue est facile à suivre et elle est menée en parallèle des problèmes de l’agence de la Poisson, toujours surbookée, toujours en proie elle aussi a des soucis d’ego. Je me demande si l’Ego, pris au sens le plus littéral du mot, ce ne serait pas le personnage centrale de « Impasse de l’Ecrevisse » ! Symbole d’une époque autocentrée, individualiste, qui a perdu le sens du collectif et de la solidarité, ce roman est assez bien dans l’air funeste du temps. Le style Hallez n’a pas changé, avec toujours quelques mots désuets au menu, des expressions un peu surannées et ici, pas mal de notes en bas de page pour expliquer un lieu, un évènement ou un fait social (une note pour expliquer longuement ce que sont des dreadlocks, alors que tout le monde sait ce que c’est, je ne sais pas si c’était super utile !). Et puis le plaisir de se promener avec elle dans Strasbourg, du Bassin d’Austerlitz à la Place Broglie, de la rue du Dôme au parc de l’Orangerie, c’est toujours délicieux pour le lecteur strasbourgeois. Petit polar sans prétention mais bien troussé et vite lu, on attend la suite de « Impasse de l’Ecrevisse » qui a la bonne idée de se terminer sur une minuscule note romantique