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Un point c'est (pas) tout

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Le coin des livres : Uchronie

Publié par Christelle Point sur 20 Mars 2025, 08:41am

Et si la balle qui a tué JFK avait manqué sa cible ? Et si les troupes de Napoléon n’avaient pas sombré dans la Berezina ? Et si Ponce Pilate avait gracié et relâché Jésus ? Réécrire l’histoire, trouver un point de divergence suffisamment pertinent et imaginer un autre destin à un individu, à un peuple, à l’Humanité, c’est un genre littéraire qu’on appelle l’Uchronie. Ce sous-genre de la science-fiction (de la fiction à partir de la science humaine qu’est l’Histoire) a connu depuis une quarantaine d’années un vrai succès : Philip K Dick, Laurent Binet, Robert Harris, Stephen King et bien d’autres se sont prêté à cet exercice ô combien difficile. Emmanuel Carrère propose avec « Uchronie » un essai littéraire sur ce genre précis, une sorte d’étude de littérature comparée. Ce petit livre, qui a déjà été publié il y a quelques années sous l’autre titre « Le Détroit de Béring », n’est pas forcément facile d’accès. Autant prévenir d’emblée, les concepts que l’auteur manipule sont théoriques, philosophiques, presque métaphysiques par moments. Il distingue l’Uchronie du roman historique (même si on peut considérer qu’un Alexandre Dumas flirte presque avec le genre par moment) qui se sert de l’histoire, lui tord le bras sans toutefois en détourner le court. Il distingue aussi l’Uchronie de l’écrit complotiste ou révisionniste, qui poursuit un but précis, celui de désinformer et de convaincre d’une fausse réalité. Non, l’Uchronie est un genre littéraire de fiction, un pur exercice de l’esprit aussi fascinant qu’il est exigeant. Pour proposer une belle uchronie, il faut d’abord très bien connaître l’Histoire, et comprendre dans la finesse le mécanisme des causes et des conséquences. Nul besoin que le point de divergence soit hyper connu (la bataille de Waterloo), le point de convergence peut également être anecdotique mais lourd de conséquence (un héritier de l’Empire romain meurt quelques années avant la date réelle, un autre prend sa place et se comporte différemment avec le christianisme naissant, et le destin de toute la chrétienté s’en trouve changé jusqu’à aujourd’hui), il faut juste qu’il soit crédible, choisi avec soin et développé avec rigueur. Emmanuel Carrère décortique ces mécanismes à partir d’exemples et de romans existants. Il pose des questions théoriques : si on change un détail, l’Histoire fera une embardée et ne finira-t-elle pas par toujours par revenir sur les rails (Jésus échoue à créer le Christianisme, mais un autre, dans le même contexte historique, prend le relai et on en arrive finalement au même point) ? Si la lecture d’« Uchronie » s’avère ardue et ne parlera sans doute pas à tout le monde, nul doute que celui qui s’y colle y trouvera plein de questions à se poser. Dévier le cours de l’histoire n’est assurément pas chose facile, mais quand on y parvient avec talent, rigueur et imagination, alors on peut proposer un roman passionnant. Le futur imaginé est-il souhaité ou redouté ? Dans les deux cas, le vertige du lecteur est assuré, le vertige de ce qui aurait pu être et qui n’a pas été.

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