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Sarah raconte à l’écrivain ce qu’est devenu sa vie de couple depuis que cette dernière à basculé. L’écrivain imagine le roman qu’il va pouvoir en tirer. Il va changer des détails mais garder l’essentiel et raconter l’histoire de Suzanne. Suzanne était une femme accomplie et heureuse, qui gagnait bien sa vie et avait deux enfants en bonne santé. C’est parce qu’un jour elle découvre que son mari possède 75% du magnifique domicile conjugal et que malgré ses demandes répétées, ils ne fait rien pour équilibrer la situation, qu’elle décide d’opter pour la manière forte. Elle quitte le domicile conjugal pour créer un électrochoc chez son mari, sans se douter qu’elle met en branle à cette occasion une machine infernale qui va la broyer.
C’est le deuxième roman d’Eric Reinhardt que je lis après « L’Amour et les Forêts » et la première chose qui m’a sauté aux yeux, c’est la similarité sur le fond comme dans la forme entre les deux romans. Peut-être que cet écrivain écrit et récrit toujours le même roman, comme Tarantino fait et refait invariablement le même film ! Sur le fond, l’écrivain des met en scène lui-même, il interview Sarah, et en même temps imagine l’histoire de Suzanne. Il va garder l’essentiel mais changer des détails. Sarah habite en Bretagne et elle est architecte, Suzanne habitera à Dijon et sera généalogiste, Sarah sera victime d’un accident de la route, Suzanne aura une crise psychotique, le mari de Sarah sera accro au porno, celui de Suzanne à la weed, etc… Mais l’essentiel, la colonne vertébrale de l’histoire de Sarah sera aussi celle de Suzanne. Ce va et vient perpétuel entre les deux femmes, entre la réalité et la fiction, n’est pas toujours facile à suivre, Reinhardt passe de l’une à l’autre sans prévenir, parois d’une phrase à l’autre. La confusion est parfois totale, on croit lire un passage Suzanne et au détour d’un mot, on se rend compte qu’on lit un passage Sarah. C’est déroutant et parfois, c’est assez pénible, je dois bien l’avouer. Attention aussi aux longueurs, il y a des passages interminables sur un tableau que Suzanne adire, qui l’obsède et sur lequel elle phantasme jusqu’à la folie. Tout ce qui concerne ce tableau, longuement analysé, n’est pas inintéressant mais bon sang… par moment il va tellement loin dans le délire sur les deux religieuses de la toile qu’on est à la limite de sauter les pages ! Et puis il y a des longueurs inexplicables aussi, notamment sur la vie de l’écrivain dont on se demande bien la pertinence ! Sur le fond, il est là encore question de la descente aux enfers d’une femme dans le nœud conjugal. Ici, pas de violence physique, uniquement de la violence financière et psychologique. Ce livre est un véritable plaidoyer contre le mariage sans contrat ! Sarah et Suzanne se sont mariées sous le régime de la séparation de bien. Pendant que leur mari remboursait le prêt du domicile conjugal (du foncier donc : du matériel, du tangible, de la pierre), Suzanne et Sarah payait tout le reste : les vacances, les vêtements, les assurances, les factures d’électricité, les abonnements, l’alimentation, etc… Résultat, aujourd’hui son mari possède 75% du domicile et elle seulement 25%. Cette injustice, fruit d’un contrat non écrit conclu dans le feu de la passion des jeunes mariés, est l’étincelle qui va mettre le feu. C’est une descente aux enfers qui attend Sarah et Suzanne, parce qu’elles veulent rétablir l’équilibre, elles se heurtent à l’incompréhension, puis à la colère de ses proches. Tout est parfaitement crédible, et même douloureusement crédible. Mais la fin, pleine d’espoir, nous permet de terminer cette lecture lourde sur une note positive. Ce roman est, en dépit de ses défauts, un plaidoyer pour la justice financière dans le couple et on ne peut que le conseiller à toutes les femmes sur le point de se marier !