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1938, la crise des Sudètes atteint son point de tension maximal. Hitler veut annexer une partie importante et germanophone de la Tchécoslovaquie ; si on ne le laisse pas faire, ce sera la Guerre. Le Royaume-Uni de Neville Chamberlain (premier ministre de sa majesté) ne veut pas céder à Herr Hitler mais veut encore moins une nouvelle Guerre, 20 ans seulement après les tranchées de 14-18. En France, Daladier est sur la même ligne. La conférence de Munich, organisée par le Reich, est la dernière chance de sauver la paix… sur le dos de la Tchécoslovaquie. Au cœur de cette conférence, deux amis diplomates anciens étudiants d’oxford, l’anglais Hugh Legat et l’allemand Paul Hartmann, deux jeunes hommes que tout devrait désormais opposer, mais tout n‘est pas si simple.
Robert Harris est un formidable conteur d’histoires dans la grande Histoire. Le roman « Munich » se déroule sur quelques jours seulement, avant et pendant la tristement célèbre conférence. Les deux premiers jours le récit alternent entre Londres et Berlin. A Londres, le jeune Legat assiste fataliste aux atermoiements de Chamberlain sur la crise des Sudètes, obnubilé à l’idée d’éviter une nouvelle Guerre. C’est un jeune homme un peu falot, malheureux en amour et un peu résigné. A Berlin, Paul Hartmann vit lui dans une dictature sous le régime de la peur (le contraste entre les deux ambiances est même particulièrement marqué). Lui complote avec quelques autres, clandestinement, pour faire échouer la conférence dans l’espoir qu’Hitler ne puisse survivre politiquement à une colère simultanée de Paris et Londres. Plus engagé, par la force des choses, plus courageux, il détient un document confidentiel qu’il doit absolument faire lire à Chamberlain. Ce document ouvrira (ou pas) les yeux du Premier Ministre anglais et scellera (ou pas) la fin du Reich hitlérien. Il surestime grandement, on le sait aujourd’hui, le courage des démocraties devant le nazisme. Harris raconte donc l’histoire de deux amis au contact des plus grands. Il n’y a aucun suspens historique dans « Munich », tout le monde sait bien que la Tchécoslovaquie va être bradée dans le déshonneur pour éviter une Guerre qui de toute façon, aura lieu. L’intérêt du roman n’est pas là. L’intérêt du roman n’est même pas en vérité dans le destin de Hugh et Paul, leur amitié fragile, le triangle amoureux qu’il formait à l’époque de leur premier voyage à Munich, ou même leur devenir dans les années qui vont suivre. L’histoire de Paul et Hugh sert d’une part à montrer combien il est différent de vivre et faire de la politique dans une démocratie et une dictature, mais surtout, le roman est un éclairage très intéressant sur la conférence de Munich. Les attitudes des uns et des autres, le vocabulaire employé, les pions qu’on avance ou qu’on recule, les buts avoués ou cachés que l’on poursuit, tout cela est exposé aux yeux du lecteur. Et cela résonne étrangement en 2025, à l’heure de la crise ukrainienne pour ne parler que de celle-ci. « Munich » est un roman qui est bien davantage qu’un simple roman historique, à l’image des autres romans de Robert Harris. Historiquement c’est imparable, documenté et limpide, c’est à la fois sans manichéisme et sans concession. Ça se lit comme un roman mais c’est un petit cours d’histoire. Certains personnages historiques en sortent un peu grandis, alors même que l’histoire les a durement jugés. On se fera peut-être une nouvelle idée (ou pas) de Chamberlain, l’homme qui avait choisi le déshonneur à la Guerre, et qui eu les deux. Pour ceux que cela intéresse, ce roman a été adapté en film sous le titre « L’Etau de Munich », à voir sur Netflix.