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Willy et Jojo sont liés par une solide amitié et une passion commune pour le moto-cross. Dans cette petite ville des bords de Loire, Jojo est une petite vedette car il excelle dans ce sport, poussé par un père omniprésent. Les deux amis font des plans sur l’avenir et comme tous les gamins originaires de ce genre de petites ville, ne rêvent que d’une chose : partir. Mais Jojo a un secret, et une fois ce secret révélé au grand jour, plus rien ne sera possible, et plus rien ne sera comme avant.
Sur le papier le film d’Antoine Chevrollier n’a absolument rien pour me plaire. Et au vu des premières minutes, je craignais le pire : des gamins de province jouent avec leur testostérone et leur moto, tout en buvant des bières et en draguant (mal) les filles. En fait, je vais être honnête, pour moi le film met un temps fou à devenir intéressant. Et c’est clairement son seul véritable défaut, il est infiniment long à offrir en fin une vraie dramaturgie. Pourtant, techniquement il a plein de qualité, il est bien filmé, accompagné d’une musique sympa et bien utilisée. Les scènes de moto cross sont plutôt bien filmées, notamment sur la fin (en caméra embarqué) c’est très efficace. Pourtant, filmer le sport au cinéma c’est toujours compliqué. Il y a de jolies scènes, en utilisant le flou et un changeant la focale qui sont bien amenées. Dans sa forme, le film est soigné et il n’y a rien à redire. Seulement voilà, pendant une heure, on verra surtout deux gamins de province draguer les filles, sécher les cours, se chamailler avec leurs parents, explorer un hôpital abandonné, squatter une piscine municipale en pleine nuit, boire, fumer et même prendre du gaz hilarant. Même si toute cette première heure sert à poser des personnages, à explorer leur complexité, il ne s’y passe clairement pas grand-chose. Tout juste apprend-on le secret de Jojo, on l’apprend en même temps que son ami Willy et on se doute que c’est par là que le drame va arriver. Le scénario tourne donc un petit peu à vide jusqu’au moment où tout bascule. Là, le film devient fort, pertinent, bouleversant même. C’est dans c es dernières 45 minutes que la vraie dramaturgie fonctionne enfin. A partir de là, il n’y a plus rien à redire, tout est douloureusement crédible, tout est finement écrit, finement interprété. « La Pampa » donne une certaine vision d’une petite ville de province, plus éloignée des clichés (très) énervants de certains autres films qui l’on précédé. Dans « La Pampa », on n’a pas 30 ans de retard sur la grande ville ; enfin, sur certains aspects un peu quand même... Ce film est avant tout un film sur l’amitié et d’une certaine façon, sur la loyauté. Car Willy, bien que perturbé par le secret de son ami Jojo, ne le laisse par tomber, prends à son compte même une partie de sa souffrance lorsque les évènements vont se précipiter. On aurait pu craindre l’inverse, on l’a déjà vu dans d’autres films du même genre, mais là non. Or, il faut une vraie force de caractère à ce gamin de 18 ans pour résister et rester loyal à l’amitié qu’il a juré à son ami d’enfance, il y a quelque chose d’infiniment touchant dans cette fidélité envers et contre tous (les autres). Et puis, pour le personnage de Willy, il s’agit aussi d’autre chose, d’émancipation. Réussir son bac, prendre sa vie en main, ne plus subir l’influence du père de Jojo, l’influence de la petite ville, prendre son destin en main, le sien, pas celui de son défunt père (omniprésent par ailleurs, et dont le souvenir empêche clairement le jeune homme d’avancer), pas celui de Jojo, le sien et seulement le sien. Au sein du casting, tous les rôles (même les seconds rôles) sans exceptions sont écrits, complexes, plein de forces et de faiblesses, jamais manichéens, jamais caricaturaux. Ce n’est pas souvent qu’un scénario offre à ses comédiens, tous ses comédiens, des petites partitions si fines à interpréter. Au sein du casting, je trouve que trois s’en sorte encore mieux que les autres. D’abord Sayyid El Alami dans le rôle de Willy, qui écrase un peu son coéquipier Amaury Foucher. Toujours à fleur de peau mais jamais dans l’excès, il joue au funambule pendant tout le film et est carrément parfait dans la dernière demi-heure. Ensuite Damien Bonnard dans le rôle difficile, peu sympathique de David, père omniprésent et directif de Jojo. Cet homme entier, incapable de compliment, de nuance, qui probablement ressasse une carrière sportive manquée, va payer cher son attitude. Et même là, lorsqu’il aura payé l’addition, il continue à ne pas comprendre, à ne pas vouloir comprendre. Lui, dans le rôle du gars qui essaie de s’acheter une bonne conscience à bas prix, il se pose là ! Damien Bonnard est formidable de justesse et de nuance. Et puis Artus, totalement à contre emploi, est bluffant dans un rôle encore plus difficile, un rôle d’homme tiraillé, profondément malheureux, et d’une lâcheté douloureusement crédible. « La Pampa » est un film sur lequel, honnêtement il est difficile d’avoir un avis tranché, rarement un film m’aura paru aussi coupé en deux morceaux si inégaux. Incroyablement long et même un peu creux pendant une heure, formidablement dense et fort pendant 45 minutes.