/image%2F0902697%2F20250203%2Fob_de9921_better-man.jpg)
De la cité ouvrière de Stoke-on-Trent au Royal Albert Hall, l’itinéraire d’un gamin talentueux et ambitieux mais horriblement mal dans sa peau, qui voulait tout conquérir sans jamais oublier de s’autodétruire, voici histoire de Robbie Williams, par lui-même… ou presque !
Difficile de faire original quand on se met aux manettes d’un biopic. Mais ce biopic là, « Better Man » n’est vraiment pas comme les autres. D’abord parce que Robbie Williams lui-même est à l’origine du projet et ce n’est pas très courant qu’un artiste génère son propre biopic : on pourrait croire que c’est une marque de narcissisme ultime mais une fois qu’on est sorti de la salle, on se rend bien compte que c’était tout sauf çà. Ensuite, le rôle de Robbie Williams lui-même (enfant comme adulte) est remplacé par… un singe. Ce n’est que la première étrangeté d’un film qui n’en manque pas. 2h15 pied au plancher, « Better Man » est inventif, original, visuellement hyper soigné. Le film mêle des scènes de comédie musicale (« Rock DJ », formidable) à des scènes de tragédie ou de pure comédie tout en multipliant les plans audacieux, les métaphores visuelles, les transitions inventives, le tout accompagné des chansons de Take That mais surtout de Robbie Williams, sous-titrées pour l’occasion. Aux manettes, un réalisateur qui visiblement ne manque pas d’audace, Michael Gracey. Franchement on en prend plein la vue et plein les oreilles. Alors évidement il faut aimer un peu le bonhomme et ses chansons pour prendre du plaisir devant « Better Man ». Le chanteur lui-même n’est pas à l’écran mais en voix off, surtout au début du film. Le film est chronologique, il commence dans l’enfance très modeste du jeune Robert pour se terminer avec un Robbie enfin apaisé, devant un orchestre symphonique, pour un concert magnifique. Pourquoi un singe ? J’imagine qu’on peut mettre tout et n’importe quoi derrière cet artifice : impossibilité de trouver un comédien pour le rôle ? Métaphore du « singe savant » ? Véritable humilité d’un homme qui s’est toujours senti très différent de son entourage ? Volonté de montrer par l’absurde les effets pervers du star system ? Je ne sais pas, je pense que tout à chacun peut mettre toutes les hypothèses artistiques et/ou psychologiques devant ce choix étrange. Après quelques minutes, je vous rassure, on finit par s’y faire. Les comédiens du film ne sont pas des stars, aucun nom connu. Celui qui tient le rôle de Robbie est Jonno Davies. Je veux souligner son travail car il est déjà difficile d’incarner quelque de très connu dans un biopic sans le singer (encore une explication possible !) mais le faire dans ces conditions là, c’est surement encore plus difficile. Le scénario nous montre un Robbie Williams terriblement mal dans sa peau, en perpétuelle guerre contre lui-même et qui, sans le vouloir et sans réellement s’en rendre compte, fait beaucoup de mal autour de lui. Le passage « Take That » est surement celui qui m’à le moins intéressé (les boys bands, ce n’est pas mon truc) mais il montre comment fonctionne un boys band de l’intérieur et c’est tout à fait ce qui j’imaginais : des gamins manipulés par un producteur, formatés jusqu’à l’absurde (les costumes, franchement…) sans aucune liberté artistique, qui se termine invariablement en bataille d’ego. Ce boys band met le gamin (car c’est encore un gamin, un sale gosse) sur la route du succès et de l’autodestruction. Drogue et alcool jusqu’aux limites de son organisme, Williams fait du mal (notamment à Nicole Appleton qui l’aimait sincèrement), se fait du mal, se perd dans un star system pour lequel il n’était pas préparé. Il le dit même à un moment, il a tout voulu, il a tout eu et ça le détruit. C’est pour cela qu’on ne peut pas dire que « Better Man » est un exercice de narcissisme exacerbé. C’est même le contraire, même « Rocketman », le biopic d’Elton John n’était pas allé aussi loin dans la mise en lumière des défauts, des failles, des faiblesses du chanteur. Et pourtant, ce n’est jamais pathétique. Ce film confirme tout ce que je devinais de ce type, derrière son côté sale gosse mal élevé, insupportable dans ses excès, il y a un gamin qui a mis 30 ans à pouvoir se regarder dans une glace sans se détester. Robbie Williams est un chanteur pour lequel j’ai toujours eu une certaine affection, « Better Man » ne fait qu’enfoncer le clou. Ce film est clairement un pari risqué, dans la forme comme sur le fond, mais c’est un film qui m’a beaucoup touché, ému aux larmes presque par moment car la détresse de cet homme est palpable en permanence. Il saute dans tous les sens, fait l’idiot, jure comme un charretier uniquement pour que personne ne devine la fragilité extrême qui est la sienne. Robert Williams s’est inventé un personnage pour que personne ne voit qui il est réellement, ce personnage, Robbie, est au centre d’un film pas comme les autres. Chapeau l’artiste !