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Un point c'est (pas) tout

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Critique cinéma : 5 Septembre

Publié par Christelle Point sur 7 Février 2025, 15:42pm

Le 5 septembre 1972, la rédaction « sport » de la chaine américaine ABC s’apprête à couvrir en direct et par satellite la nouvelle journée des Jeux Olympiques de Munich lorsqu’ils entendent des coups de feu, au petit matin, en provenance du Village Olympique. Un commando palestinien, « Septembre Noir », vient de prendre en otage 11 athlètes israéliens. Leur studio, à moins de 200 m des appartements où sont retenus les otages, va couvrir en direct et en temps réel les évènements, en se prenant pleine face toutes les questions éthiques que cela suppose.

La prise d’otage des JO de Munich a déjà été traitée (un peu) par le cinéma, notamment par Steven Spielberg. Ici, l’angle est différent. Le film est en unité de lieu : la régie de la chaine ABC, ses journalistes, ses techniciens, ses collaborateurs. Très ramassé (1h35), le film raconte la journée entière du 5 septembre, des premiers coups de feu à l’assaut final, toujours par le truchement des journalistes amenés à couvrir des évènements auxquels ils n’étaient en rien préparés. Peu de musique, peu de suspens (tout le monde sait comment cela s’est terminé), un casting assez resserré, le réalisateur Tim Fehlbaum filme l’urgence caméra à l’épaule. Les dialogues fusent, le montage accentue cette impression permanente, mélange d’urgence et d’improvisation.  Nous sommes en 1972, pas d’informatique, on travaille à l’ancienne, on appelle avec des téléphone fixe, on communique avec des talkies walkies, autant dire pour un public jeune qu’on est dans un autre monde ! Le parti pris, apparemment, est de ne quasiment rien reconstituer en dehors du studio. Aussi, le film utilise les propres archives de la chaine ABC en abondance, dont certaines images qui sont devenues historiques. Cette profusion d’images d’archive finit par donner l’impression d’être devant une sorte de docu-fiction, ce qui accentue la dramaturgie du film. La tension est permanente, presque palpable, quand bien même nous, spectateurs, savons comment tout cela va se terminer. Côté réalisation, Tim Fehlbaum tient son film au cordeau, tout en nervosité et en tension. Ca ne dure que 1h35, mais à ce niveau de tension ce n’est pas plus mal d’avoir choisi de resserrer son film au maximum, car on sort de la séance un peu lessivé. Côté casting, on trouve Ben Chaplin et Peter Sarsgaard, le comédien français Zinedine Soualem ou la comédienne allemande Léonie Benesch (déjà vue et apprécie dans « La Salle des Profs »). Mais je vais faire une petite mention spéciale à John Magaro, dans le rôle du chef d’orchestre de la régie Geoff Mason. Il est au centre de l’action, donc du film, et il compose parfaitement un personnage tiraillé en permanence entre l’urgence et l’éthique. L’éthique, c’est au final le sujet central du film, au-delà des évènements historiques. La prise d’otage en elle-même, le fiasco total de la police allemande, tout cela est bien connu. Mais là, on se retrouve devant une rédaction sportive, habituée certes au direct, mais pas çà ce genre de direct. Située à 200m de la prise d’otage, elle insiste logiquement pour couvrir les évènements, mais elle n’est pas préparée pour de l’information en continue en situation de crise. Toutes les questions éthiques vont les percuter de front : Faut-il filmer les preneurs d’otage ? Faut-ils filmer les otages ? Et en cas d’exécution, que peut-on montrer ? Quelles précautions sémantiques faut-il prendre pour désigner le commando ? Les journalistes d’ABC courent après les infos, testent les limites de la déontologie (en déguisant un technicien en athlète, en lui fabriquant un faux badge pour l’infiltrer dans un village olympique bouclé), ils doivent composer avec les chaines concurrentes, avec les annonceurs, avec la direction de la chaine. Et puis surtout, à partir de combien de sources fiables peut-on délivrer un scoop, et qu’est qu’une source fiable dans un pays qu’on ne connait pas et dont aucun journaliste ne connait la langue ? Baisser la caméra, taire une information, dans la précipitation des évènements certains choix sont discutables, certains auront (peut-être, on ne le saura jamais) été funestes. Quand ils montrent en direct des policiers allemands monter sur les toits pour préparer un assaut, ils ne réalisent que trop tard que les terroristes regardent eux aussi ABC. J’avoue que pendant cette scène précise, j’étais assez atterrée de ne pas les voir réagir. « 5 Septembre » est un film qui parlent essentiellement de l’information en continue à une époque où on n’en faisait pas. Mais qui peut dire qu’aujourd’hui toutes ces questions éthiques ont été digérées et solutionnées ? Quand on voit comment certaines chaines françaises se sont comportées en 2015 on se dit que ce film, qui se déroule il y a 52 ans, est sacrément pertinent. « 5 Septembre » est un très bon film qui pose des questions essentielles, c’est un film qui doit questionner au-delà des journalistes, il doit questionner tous les spectateurs potentiels que nous sommes. Je le recommande plus que chaudement.

La bande annonce de "5 Septembre"

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