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A part boire (trop), faire la fête avec ses potes et glander, Totone ne fait pas grand-chose de ses 10 doigts. Dans son petit village jurassien, il traine sa misère avec ses amis et drague un peu aussi. Mais lorsqu’il se retrouve seul avec sa petite sœur de 7 ans, la réalité le rattrape brutalement. Après avoir vendu quasiment tout le matériel agricole de son père, il lui faut trouver un travail. Après un bref passage dans une fabrique de comté, il a une idée : produire un fromage au chaudron (le seul matériel qui lui reste) pour gagner un premier prix, et percevoir l’argent qui va avec.
La réalisatrice Louise Courvoisier nous propose un film court (90 minutes, mais 90 minutes bien remplies) qui, sur le papier, ne part pas gagnant. Filmer un gamin paumé dans un petit village du Jura, qui a une idée saugrenue et (évidemment) vaine pour gagner de l’argent, ça ne fait vraiment envie au départ. Pourtant, « Vingt Dieux » est précédé de bonnes critique et couvert de louanges mérite qu’on s’y attarde. Le film est donc court, au regard des standards d’aujourd’hui, mais il semble plus long. Ce n’est pas qu’on s’ennuie, mais je ne sais pas pourquoi le film semble s’étirer et s’installer dans une certaine langueur, à l’image sans doute de son personnage principal qui passe quand même beaucoup de temps à ne pas faire grand-chose de constructif. Les paysages du Jura sont magnifiquement filmés, apparemment à la belle saison, même si sur certains plans il y a des petits matins très brumeux. La musique est discrète, assez lancinante elle aussi mais elle colle bien aux images. Il y a peut –être quelques scènes inutiles ou un peu trop longues (quand Totone fait la fête) mais ce n’est pas un problème pour un film qui ne fait qu’une heure et demie. Le début peut paraitre un peu laborieux, parce qu’il s’agit de mettre en place un personnage, et le film prends le temps de le faire. Comme c’est plus un moins un glandeur, forcement on a l’impression que le film tourne un peu à vide au début. Totone ne va plus à l’école, ne travaille pas, boit beaucoup, dors n’importe où et honnêtement, il est assez pathétique. Il ne semble pas aider son père (veuf ? Séparé ? On ne le saura jamais), ne s’occupe pas vraiment de sa sœur, garde perpétuellement des fringues et des mains sales. Il scelle son destin le jour où il met son père ivre derrière un volant, dans la plus grande inconscience. A partir de là, il est responsable de sa sœur et doit tardivement réfléchir à un moyen de gagner sa vie. Ca lui tombe dessus avec une telle violence qu’il est désemparé. Heureusement que sa sœur est adorable et lui facilite les choses (se rends il compte de la chance qu’il a de ce point de vue ? Même pas sur !). Son idée bizarre pour gagner 30 000 € est évidemment naïve et fichue d’avance. On le sait d’emblée et pourtant on l’accompagne dans la production de cette meule de comté pas jolie, pas affinée, ni faite ni à faire mais tans pis : maintenant il a enfin une vision plus claire de son avenir. C’est le sujet du film : le passage violent à l’état d’adulte d’un gamin qui découvre enfin quelques valeurs, celle du travail, de la loyauté, des responsabilités. Le scénario est à prendre avec pas mal de recul point de vue crédibilité, Totone se retrouve seul avec une gamine de 7 ans et personne, ni dans l’entourage ni à l’école de la petite ne semble s’en préoccuper (ils font les poubelles, elle va à l’école en pyjama…) : pas de service sociaux, pas d’assistante sociale, pas de notaire (pour l’immobilier), pas d’administratif, rien… C’est comme si cette vie était vécue en autarcie dans un village coupé du monde ! C’est déroutant, tout autant que de voir Totone et sa sœur Claire fabriquer un comté dans des conditions d’hygiène impossibles, avec du matériel récupéré et du lait volé. J’aime bien les dernières scènes du film, où l’on comprend qu’il a choisit, d’une certaine manière, de retourner à l’école pour enfin, faire les choses comme il faut sans prendre des raccourcis, c’est un beau message. Clément Faveau est de toutes les scènes et il campe un Totone plus vrai que nature (accent jurassien, dégaine négligée mais regard acéré) mais je veux souligner le joli rôle de femme qu’incarne Maiwène Barthelemy. Elle est une jeune femme les pieds bien sur terre, elle dirige seule une exploitation, elle est tout ce que Totone n’est pas. Un beau rôle de femme forte comme cela, je ne m’attendais pas à en trouver un dans ce film et en plus, Maiwène Barthelemy lui donne une vraie épaisseur. « Vingt Dieux » est un film qu’il faut prendre pour ce qu’il est, pas un film réaliste et misérabiliste mais plutôt une sorte de conte métaphorique rural et moderne sur le passage à l’âge adulte. C’est aussi un film qui donne (très) envie de bouloter du comté au sortir du cinéma !