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Alors qu’elle est sur le point de rentrer au pays après plus de 10 ans passés au Etats-Unis, Ifemelu se souvient de sa jeunesse au Nigéria, de son amour pour le beau Obinze et de leur désir à tous les deux d’émigrer aux Etats-Unis. Elle a réussi avec un visa étudiant, lui a échoué et a choisi l’Angleterre en tant que travailleur clandestin. En débarquant aux Etats-Unis, elle a pris conscience de ce que cela représente d’être noire dans un pays où la question raciale est centrale, elle a beaucoup réfléchi au sujet, elle a beaucoup écrit sur la question : être noire au Nigéria est dans l’ordre des choses, être noire aux Etats-Unis c’est être une minorité, être en proie au racisme systémique et à la discrimination. Ifemelu se pose mille question sur son accent, ses cheveux, le teinte de sa peau…
Le roman de l’auteure nigériane Chimananga Ngozi Adichie, c’est le portrait croisé de deux amoureux exilés qui finissent par se retrouver au Nigéria, après plus de 10 ans à l’étranger. Découpé en 5 grosses parties, la narration alterne entre les deux personnages. Si le récit, pour ce qui concerne Obinze est relativement chronologique, c’est différent pour Ifemelu, la vraie héroïne du récit. Le récit commence alors qu’elle est sur le point de rentrer au pays, puis suit un long flash back d’abord au Nigéria, puis aux USA, avant que le roman de retrouve une narration normale avec le retour au pays. Même s’ils sont tous les deux au cœur du récit, le nombre de personnages gravitant autour d’eux est important : parents, amoureux, collègues, certains en font que passer, d’autres sont là en permanence. Obinze est un garçon instruit, amoureux des USA et de leur littérature. Il ne parviendra qu’à devenir travailleur clandestin en Angleterre avant d’en être expulsé. Paradoxalement, c’est à son retour au pays que les choses deviennent plus faciles : réussite professionnelle, mariage et bébé… avant que le retour d’Ifemelu ne vienne tout bouleverser. Son destin à elle, d’étudiante fauchée aux Etats-Unis (premier choc culturel) à femme accomplie de retour en Afrique (contre-choc culturel) est marqué par sa prise de conscience de la question raciale. Elle pourra l’étudier sous toutes les coutures, de sa relation avec un homme blanc à l’élection de Barack Obama, au travers de sa tante Uju et de son neveu Dike. Trouver sa place dans une société américaine marquée en profondeur par la question raciale lui permet de créer un blog où elle dissertera sur le sujet, blog de plus en plus populaire et pertinent. La personnalité à la fois forte et pleine de spontanéité en fait un personnage de roman très attachant. Ceci dit, je reconnais avoir eu un peu de mal à entrer dans ce long roman et les premiers chapitres au Nigéria m’ont moins intéressé que la suite, aux USA et en Angleterre. On peut trouver assez légitimement que le roman se disperse par moment, que le nombre de personnage ne facilite pas la tâche au lecteur, que certains aspects de la vie africaine ne nous sont pas très familiers. Mais malgré tout, on chemine avec Ifemelu jusqu’au terme de ce gros roman. C’est pour le lecteur une plongée dans la société nigériane, dans la middle class avec ses rapports hommes/femmes, son rapport à l’Occident (comprendre les USA et l’Europe), son système éducatif, ses questions tribales. C’est aussi un puits de réflexions sur la condition des noirs aux Etats-Unis dans l’Amériques des années 2010, c'est-à-dire juste avant Black Lives Matter. Mais c’est surtout et avant tout le reste une belle histoire d’amour entre un homme et une femme qui se trouvent, se perdent puis essaient de se retrouver. « Americanah » (surnom données aux africaines revenues des USA, forcément changées par cette expérience) est un gros roman peut-être un tout petit peu difficile d’accès, mais difficile à oublier une fois qu’on l’a terminé.