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Florence 1557, le peintre Pontormo est retrouvé poignardé au pied d’une fresque gigantesque qu’il était en train de terminer pour compte de Cosimo Médicis, Duc de Florence. Ce dernier confie à son homme de confiance Vasari la mission de trouver qui a tué Pontormo mais aussi de mettre la main sur une toile offensante pour sa fille aînée Maria, puis de la détruire avant qu’elle ne tombe dans des mains ennemies. Car Cosimo a de nombreux ennemis, à Florence avec les héritiers du moine prédicateur Savonarole, à Rome avec le Pape, en France avec la reine Catherine de Médicis qui complote contre lui. Dans cette enquête protéiforme, tout le monde pousse ses pions, du modeste apprenti jusqu’aux monarques.
De tous les romans de Laurent Binet que j’ai lu, celui-ci est clairement le plus difficile d’accès. Et ce n’est pas peu dire car « HHhH » ou encore « La 7ème fonction du langage » n’était déjà pas super accessible. Mais ici, Laurent Binet franchi un cap. En préface, il présente son roman comme un paquet de lettres achetées à prix d’or chez un brocanteur italien, et qu’il se fait fort de nous livrer brute de décoffrage, telles quelles, afin de nous offrir un thriller historique. Et donc voilà les lettres qui s’enchaînent pendant 300 pages, entre un nombre important de personnages, le plus souvent des personnages historiques bien réels comme la famille Medicis ou Michel-Ange. Autour de l’intrigue « policière » sur l’assassinat du peintre Pontormo viennent se greffer plusieurs autres intrigues secondaires : la romance contrariée entre Maria de Medicis et un page de son père, les frasques de deux religieuses à la fois férues de peinture et de Savonarole, l’inondation de Florence par les eaux de l’Arno, le tableau infamant pour la pauvre Maria que Cosimo veut récupérer et détruire mais que ses ennemis veulent juste récupérer, l’ébauche d’une forme de syndicalisme pour les ouvriers de l’art, etc. Comme les lettres (fictives) sont présentées telles quelles, sans éléments de contexte, sans explication d’aucune sorte en histoire de la Renaissance italienne ou en histoire de l’art, et de surcroît dans un langage précieux, et bien il faut parfois bien s’accrocher pour… ne pas décrocher ! C’est un roman qu’il faudrait lire avec une encyclopédie à côté de soi car tous les lecteurs ne sont pas très au fait des peintres italiens de la Renaissance et des subtilités de la vie politique italienne du milieu du XVIème siècle. Par exemple, si vous ne savez pas qui était Savonarole, et bien il vous faudra chercher l’info vous même car le roman (à part une courte préface) n’explique rien. Mais avec un peu de volonté et de persévérance, on arrive au bout de « Perspectives » et on découvre qui a tué Pontormo, et attention, c’est une surprise ! C’est indéniablement un roman ambitieux dans sa forme car Binet renoue avec un style tombé un peu en désuétude : le roman épistolaire. J’aime bien ce genre de narration qu’on ne voit plus beaucoup, c’est vrai. Dans l’écriture délicate et précieuse aussi le roman est ambitieux, on croirait vraiment des lettres de l’époque dans un style élégant mais pas caricatural. En revanche, sur le fond, Laurent Binet m’a parfois un peu perdu en route a force de digressions, de longueurs, de personnages que j’ai eu du mal à ne pas confondre entre eux et d’intrigues secondaires.