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Au début des années 90, Kay et Cyril ont 50 ans et viennent d’enterrer le père de Kay. Cela faisait 10 ans que cet homme était sénile et dépendant, 10 ans que Kay a vécu comme un enfer. Aussi, au retour de la cérémonie, les deux époux scellent un pacte : le jour des 810 ans de Kate ils se donneront la mort ensemble, pour éviter la déchéance. Le temps passe et le jour fatidique arrive, mais entre temps beaucoup de choses ont changé au Royaume Unis comme dans leur vie. Ce pacte, conclu en 1991, sont-ils prêts à l’honorer tous les deux ?
Le roman de Lionel Shriver est construit comme un arbre de décision. En effet, les premiers chapitres évoquent la promesse fais entre époux puis les années qui s’écoulent normalement. Le Brexit puis le COVID viennent percuter leur vie avant que n’arrive le jour J. Ensuite, 12 chapitres s’enchainent comme autant de dénouements possibles : ils le font tous les deux (ils réussissent ou ils échouent) l’un renonce, ils renoncent tous les deux, et chacune de ces branches branches se divisent à son tour pour donner au final 12 fins possibles. Cela rends la lecture savoureuse et assez ludique, malgré la lourdeur du sujet. Car Lionel Shriver imagine des fins cruelles, des fins terrifiantes, des fins ironiques, des fins presque heureuses, des fins morales, des fins parfaitement immorales. A chaque début de chapitres on repart au moment M ou bien on repart plus tôt, ou plus tard. Certains chapitres sont longs, d’autres bref. J’ai bien aimé, même si c’est douloureux, ce chapitre raconté du point de vue de Kay totalement partie dans le monde d’Alzheimer, regardant le monde comme une enfant émerveillée de tout. J’ai été terrifiée (et révoltée) par les chapitres dits « du docteur Mimi » qui en disent long, très long sur les établissements dits « de fin de vie » en Angleterre. Kay apparait comme plutôt sympathique d’emblée dans le roman, elle vient de prendre soin de son père pendant 10 ans, 10 ans d’enfer et on compatit, voire même on comprend son désir de ne pas finir comme lui. Cyril, en revanche, est un personnage plus difficile à cerner et à apprécier. Lui désire ce double suicide pour des raisons économiques. Cet ancien médecin du système de santé public du Royaume Unis a des réflexions (notamment dans les premiers chapitres) qui frise l’eugénisme. Cet homme, ouvertement travailliste, opposé farouchement au Brexit, a parfois des réflexions qui font froid dans le dos. Il prône des solutions très radicales pour sauver le système de santé, des solutions franchement limites. Du coup, il est beaucoup moins sympathique aux yeux du lecteur et le chapitres intitulé « Cyril change d’avis de façon inattendu » enfonce le clou. Attention, plus on avance, plus les fins proposées sont audacieuses et/ou bizarres : science-fiction, dystopie, Shriver ne s’interdit rien, pas même de s’auto critiquer dans un passage savoureux ou elle fait dire à Kay des horreurs sur un de ses romans ! « A prendre ou à laisser » est un roman original, épatant et ludique à lire, une expérience de lecture différente qui e manque pas d’audace et d’humour (noir). Sur le fond, Shriver dépeint comme elle sait le faire les faiblesses et les lâchetés ordinaires. Sa plume est sans concession, parfois même acide. Cet auteure que j’aime beaucoup depuis son inoubliable « Il faut qu’on parle de Kevin » sait où appuyer : pile là où ça fait mal.