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Léonard est un adolescent de 15 ans, un colosse capable de travailler comme un homme mais qui, dans sa tête, n’a pas plus de 8 ans. Incapable de lire et encore moins d’écrire, il est le souffre douleur d’une bande de gamins sans scrupules et est incapable de se défendre : Léonard vit dans la peur, jusqu’au jour où ses tortionnaires vont trop loin. Jorge est incarcéré depuis plus de 15 ans pour un double meurtre qu’il n’a pas commis, il est sur le point d’être libéré mais il sait déjà que, de retour chez lui, il sera traité en paria, il est innocent, mais son avenir est une impasse. Angélique est handicapée mentale, elle vit avec son oncle qui la traite comme sa bonne et la viole régulièrement, séquestrée, elle ne parle plus, et personne au monde ne se doute de qu’elle doit subir. Ces trois là ne se connaissent pas, mais leurs tragédies sont intimement liées.
« Glen Affric » est un gros roman aussi passionnant qu’il est douloureux à lire. Franchement, je ne sais pas si c’est ma sensibilité personnelle qui a été mise à rude épreuve mais les premiers chapitres concernant Léonard sont (très) éprouvants. Je devais m’arrêter tous les trois ou quatre chapitres pour souffler, parce que j’avais le cœur serré. Comment ne pas être en empathie avec ces trois personnages dont on ne met moins de 30 pages à comprendre les liens. Les chapitres alternent entre Jorge et Léonard, le premier est une boule de rancœur (et on le comprend), le second un gentil garçon, incapable de la moindre méchanceté, et qui subit les horreurs d’un harcèlement scolaire ignoble. Et puis, leur destin se croise, littéralement, pendant de longs chapitres avant d’enfin se trouver. La relation entre les deux est plus que touchante, elle est même de plus en plus bouleversante au fil des pages qui défilent. Quant à Angélique, ses apparitions sont plus rares et là encore, ce qu’elle subit nous chamboule profondément. On retrouve dans « Glen Affric » tout ce que j’aime de Karine Giebel : des personnages ultra attachants mais jamais monolithiques, des « seconds rôles » bien croqués et bien écrits, les thèmes de l’enfermement, du rapport de force qui s’inverse doucement et puis bien-sur (ça j’aime un peu moins !), l’absence totale de happy end. Elle ne sait pas terminer ses histoire autrement que dans la tragédie. Je la connais alors je m’y étais préparé. Et bien, même préparée, j’ai eu les larmes aux cils lors des dernières pages ! Tous les passages en prison sont intenses, elle décrit l’univers carcéral comme personne : la violence, la solitude, les matons sadiques, les surveillants plus bienveillants, j’étais presque de retour dans la prison pour femme de Marianne (« voir « meurtre pour Rédemption » que j’ai lu il y a plus de 15 ans et que je n’ai jamais oublié). Je ne veux pas trop en dire sur l’intrigue, la tragédie des 3 personnages se nouant sur une intrigue policière assez classique mais parfaitement tenue (je me suis laissé surprendre par le rebondissement final). Mais « Glen Affric » est d’une noirceur qui n’a rien à envier aux autre romans de Giebel, le drame est possible à chaque page que l’on tourne, c’est une lecture qui peut d’avérer éprouvante voire déprimante si on n’est pas prévenu. Chez elle, les coupables sont souvent punis mais les innocents tombent avec eux. Pour les victimes comme pour les criminels, le pire est toujours certain, c’est une vision très noire de la vie et de la société qu’à cette auteure hors du commun. « Glen Affric » est dans mon Top 3 de Karine Giebel, je le place en 3ème position derrière « Le Purgatoire des Innocent » et « Meurtre pour Rédemption ». C’est dire combien j’ai été immergé et passionnée par l’histoire de Jorge, d’Angélique et surtout de Léonard : un gamin qui n’est pas taillé pour affronter la cruauté humaine, une boule d’innocence et de gentillesse dans un monde sans pitié. Au delà du polar, ce roman aussi un éclairage très touchant sur le handicap mental, en faisant de 2 personnages ayant subi des dommages cérébraux des personnages centraux, en entrant dans leur sensibilité avec des mots, Giebel apporte sa petite pierre, à sa façon, à une immense cause.