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Reporters de guerre, Lee et Joël ont déjà vu et photographié des horreurs sans nom tout autour du monde. Mais cette fois, c’est différent. C’est leur propre pays qui est à feu et à sang devant leur objectif : attentats suicides, émeutes, exécutions sommaires, fosses communes, les Etats-Unis sont au bord du gouffre. Le Président est retranché à Washington et les armées des Etats en sécessions (Texas et Californie) foncent vers la capitale. Lee et Joël voudraient y être avant elles, interviewer un Président aux abois cloitré à la Maison Blanche. Mais pour cela il va falloir traverser un pays ravagé.
Le film d’Alex Garland (au scénario et à la réalisation) est un film extrêmement éprouvant. L’affiche dit qu’il est déconseillé aux moins de 12 ans, mais moi je n’y emmènerais pas un gamin de 13 ans ! Il faut avoir le cœur bien accroché car durant presque 2h, le film vous remue les tripes. La violence propre aux guerres civiles, qui est une violence bien particulière, y est montrée sans complaisance mais sans fausse pudeur non plus. C’est bien simple, il n’y a pas une seule minute dans ce long métrage où on n’a pas l’impression que la violence peut survenir d’une seconde à l’autre. Et être sur le qui-vive en permanence n’est pas de tout repos. Alex Garland maitrise donc son film dans le rythme, en nous laissant sur le fil du rasoir en permanence. Certaines scènes sont impressionnantes et s’impriment durablement dans la rétine. Mais pour qu’il n’y ait pas de malentendu, « Civil War » n’est pas un film d’action dans lequel les bons et les méchants sont clairement identifiés. « Civil War » n’est pas un film grand spectacle aux effets spéciaux époustouflants. « Civil War » n’est pas un brulot politique inspiré par l’assaut du Capitole. C’est un film de guerre, un film sur les reporters de guerre comme le cinéma américain en a déjà proposé. Sauf qu’ici, la Guerre est une guerre fratricide interne aux USA. Je voudrais souligner le travail fait par Alex Garland sur certains aspects, notamment le soin apporté au son (et aux silences), la grande qualité de sa bande originale et aussi son souci quasi permanent de jouer avec les contrastes. La nature est magnifique, les forêts sublimes, les petites villes charmantes, les endroits sont pittoresques et c’est dans cet écrin là que les pires scènes de barbarie prennent place. Il faut être attentif aux détails, au hors champs, aux seconds plans : l’horreur est partout. Les toutes dernières scènes à Washington sont assez surréalistes. Le casting se résume essentiellement à Kirsten Dunst, Cailee Spaeny et Wagner Moura, auquel on associera Stephen Mackinley Henderson. Ils ont tous clairement très bien, et je remarque Wagner Moura, assez épatant, c’est un acteur que je découvre. D’ailleurs, si on excepte Kirsten Dunst, c’est une bonne idée de ne pas avoir choisi d’acteur superstar pour ce film, cela aurait un peu dénaturé le coté « brut » qu’Alex Garland tenait visiblement à conserver. Le scénario ne fait pas dans la dentelle quand il s’agit d’expliquer par le menu ce que signifie réellement une Guerre Civile. Une Guerre Civile, c’est une guerre dans laquelle des anciens amis se dénoncent, des voisins se vengent, des familles se déchirent. Une Guerre Civile se sont des attentats suicides (scène d’ouverture), des exécutions sommaires (scène de clôture), et entre les deux des fosses communes, des pendus aux lampadaires, des réfugiés dans leur propres pays, des gamins qui prennent des fusils au lieu de jouer au ballon. « Civil War » n’a pas de fausses pudeurs en la matière, et je trouve que c’est à mettre à son crédit. Par contre, le scénario est suffisamment évasif pour qu’on puisse se faire soi-même une idée de la genèse de tout ce chaos. Il n’explique rien, il ne dit pas qui s’est soulevé contre qui, où est le Bien et où est la Mal (scoop : il est partout), s’il faut espérer une victoire de l’un ou de l’autre. Je me suis faite ma propre idée, à force de glaner une allusion par ici, un détail par là, mais le scénario reste toujours dans le flou. Car au fond, et aussi bizarre que cela puisse paraitre, ce n’est pas son vrai propos. Son vrai sujet, c’est la presse et son rôle dans un conflit : suivre l’armée ou rester free-lance à ses risques et périls, prendre la photo ou baisser la caméra, tendre la main ou appuyer sur le bouton ? Comme je l’ai dit, le film nous emmène au cœur du problème (attention, certaines cènes sont difficilement regardables) sans jamais faire la leçon. Si on chipote on peut trouver que certaines péripéties du scénario sont un peu convenues, certains coups de théâtre un peu téléphonés. Et puis le dernier quart d’heure, dans la Maison Blanche, est un tout petit peu surréaliste et appuyés. Mais ce sont des petits détails car dans l’ensemble, « Civil War » est un film coup de poing qui laisse un peu sonné. On est heureux, en sortant de la salle, de se retrouver dans un pays en paix. C’est un film réussi, fort et sans faux semblant, à réserver néanmoins à un public averti.