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18 minutes, c’est le temps qu’il a fallu au Lusitania pour couler et emporter avec lui 1100 passagers, touché par une seule torpille allemande dans la mer d’Irlande en 1915. Pourtant, forte du drame du Titanic, le Lusitania était équipé de tous les canaux qu’il fallait, il était commandé par un capitaine chevronné, tout était prévu pour que même touché, il reste à flot suffisamment longtemps pour évacuer tout le monde. En plus, le naufrage à eu lieu à moins de 20 kilomètres des côtes irlandaises, en plein mois de mai, sous un ciel sans nuage et une mer d’huile. Mais le drame, fruit de funestes coïncidences, aura à long terme une conséquence décisive : il est le premier domino qui amènera à rompre (définitivement) l’isolationnisme américain.
Je retrouve avec plaisir Erik Larson après une longue attente, et c’est un vrai plaisir de lire le travail mi documentaire-mi roman de ce journaliste qui m’avait emballé avec « Le Diable dans la Ville Blanche » et « Dans le Jardin de la Bête ». Son livre est construit somme à son habitude : deux intrigues qui sont amenées à se rejoindre. Dun côté le Lusitania, son capitaine, ses passagers, sa traversée, de l’autre le sous-marin allemand U20 commandé par l’implacable Walther Schweiger. Ils sont amenés à se rencontrer pour le pire. On ajoute à ce duo quelques chapitres en Angleterre dans les services de la Room 40 qui déchiffrait les messages allemands, qui a vu venir la tragédie et n’a pas pu (ou pas voulu) l’empêcher, et quelques chapitres à la Maison Blanche, avec un Président Wilson amoureux et prudent, qui apparait trop fragile pour une période de Guerre. Si je reconnais volontiers que le livre met pas mal de temps à démarrer (au bout de 10 chapitres, on est encore à New York !), met beaucoup de temps à présenter en profondeur les personnages et notamment les passagers, c’est pour mieux nous attacher à leur destin. Le naufrage du Lusitania, ce n’est pas seulement un crime de Guerre, un fait historique mal connu et pourtant décisif de la Première Guerre Mondiale, c’est d’abord une tragédie humaine avec la mort absurde et terrifiante de 1100 personnes dont beaucoup de d‘hommes, de femmes, d’enfants, de bébés, de jeunes couples, de familles entière. Les chapitres s’enchainent au fil de la traversée, c’est agréable à lire, dans un style direct et très efficace. Je dois avouer qu’au deux tiers du livre, lorsque qu’advient le naufrage, le livre devient passionnant. Les chapitres du naufrage sont très bien écrits, on se croirait dans un film catastrophe. Erik Larson met l’accent sur les petits riens qui ont fait basculer l’Histoire : un retard au départ, un banc de brouillard qui se lève, des hublots restés ouverts, une torpille qui frappe à un endroit stratégique et tue sur le coup les marins chargés de manœuvrer les canaux de sauvetage : tout était réuni pour une tragédie. La naufrage ne termine pas le roman qui explique de façons claire comment il a été géré ensuite de façon diplomatique par les uns et les autres, et aussi comment il a été géré de façon humaine, avec la question douloureuse des cadavres. Sans voyeurisme inutile ni jugement de valeur (alors qu’il s’agit clairement d’un crime de guerre), Erik Larson nous entraine avec lui dans le sillage de ce transatlantique immense. Il montre bien comment la neutralité américaine, qui confinait à la naïveté, a été la première victime de cette tragédie. Même si l’Amérique mettra encore deux ans à entrer en Guerre, et même si objectivement l’apport américain n’a pas été décisif sur la terre, il semble que cela ait été tout le contraire dans les Mers ou les sous-marins allemands coulaient des bateaux à tour de bras. En France, très centrés sur les tranchées, nous connaissons mal les tenants et les aboutissants de la Guerre sous-marine de 1914/1918. La lecture de « Lusitania, 1915 la Dernière Traversée » n’en est que plus instructive.