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Une ligne blanche, tracée à la peinture, est dessinée dans la nuit, coupant en deux un village lambda. Au petit matin, les habitants découvrent que leur municipalité, comme toutes celles de France, va être séparée en deux camps. Cette ligne va cristalliser toutes les rancœurs, toutes les haines recuites de ce village. Cet antagonisme se personnalise plus particulièrement entre la famille Wasner, celle du maire en place, habitants du village depuis la nuit des temps, et la famille Polora, son opposant politique, immigré depuis moins d’une génération. Ce qui se joue autour de cette ligne va bien au-delà d’un trait de peinture blanche.
Le roman de Jean-Christophe avait à mes yeux une quatrième de couverture très prometteuse. C’est le premier roman de cet auteur que je lis, et j’aimais bien l’idée d’un postulat de départ mystérieux, jamais expliqué. Une ligne à la peinture est dessinée dans la nuit coupant en deux un village. On comprend d’emblée que c’est une mesure nationale mais on ne saura jamais qui elle sépare de qui : l’Est et l’Ouest, la Nord et le Sud, les ruraux et les bobos, les français de souche et les immigrés plus ou moins récents, la France « d’en haut » et la France « d’en bas », on ne sait pas. Ce qu’on comprend en revanche très vite, c’est que dans ce village précis et jamais nommé ou localisé, elle sépare deux opposants politiques, les familles Wasner et Polora, qui ont pourtant bien plus en commun qu’ils n’imaginent. Le roman a plusieurs narrateurs qui se succèdent : Louise et Sophie Wasner (fille et belle-fille du maire en place) et Philippe et Eric Polora (frère et fils du prétendant à la mairie). On voit graviter autour de ces 4 personnalités deux familles que tout oppose, mais seulement en surface. Maitresses femmes ou suiveuses, adolescent roulant des mécaniques ou déprimés, hommes fatalistes ou pourris d’ambitions, on trouve de tout que dans ces deux familles, sorte d’échantillon représentatif de la société d’aujourd’hui. Cette ligne est une aubaine pour les uns, une honte pour les autres. Au delà des opinions politiques sur l’unité nationale, la fraternité, la confiance en l’avenir, la peur de l’Autre se jouent des ambitions très personnelles et bassement égoïstes, bien plus triviales que ces grandes idées. « La Ligne » est au fond un roman assez pessimiste sur l’espèce humaine, qui trouve toujours plus facile de construire un mur que de faire des concessions à son adversaire. Evidemment, difficile de ne pas voir dans le romand de Jean-Christophe Tixier une sorte de métaphore géante de l’Etat du Monde, de ces murs qui se construisent aux USA, en Israël ou ailleurs. Tout cela, sur le papier, est ambitieux et prometteur. Mais je trouve l’exercice inabouti. En concentrant son intrigue sur deux familles, en mêlant à cette problématique quelques histoires d’infidélités, quelques meurtres, une affaire de viol sur mineure un peu sortie de nulle part, le roman se disperse et privilégie un peu trop à mon gout le trivial à l’essentiel. Le roman se lit bien, on est en empathie avec quelques personnages, surtout le jeune Eric Polora, mais on sent qu’on va arriver au bout du roman en ayant raté l’essentiel. Le fait de ne rien savoir du pourquoi de cette ligne n’est pas un problème en soi, mais Tixier n’exploite pas comme je l’aurais aimé ce mystère, il ne va pas, à mes yeux, au bout de sa brillante idée de départ. En revanche j’aime bien le dernier chapitre, une sorte de miroir trouble et déformant du prologue.