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Un point c'est (pas) tout

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Critique cinéma : Le Règne Animal

Publié par Christelle Point sur 15 Octobre 2023, 15:35pm

Une maladie étrange sévit depuis quelques temps, partout dans le monde des gens commencent à muter pour devenir des animaux. La science est impuissante, l’évolution semble exponentielle et irréversible. Dés les premiers signes, les « malades » sont internés dans des centres fermés. C’est dans un de ces centres du Sud-ouest de la France que Lana, l’épouse de François et mère d’Emile, va être internée. Les deux hommes déménagent dans la région pour la suivre et conserver avec elle le lien ténu qui existe encore. A la faveur d’un accident, une trentaine de « bestioles », dont Lana, s’échappe pendant le transfert et demeurent introuvables. François et Emile se lancent à sa recherche.

S’il y a bien une chose que l’on peut mettre au crédit du film de Thomas Caillet, c’est qu’il est ambitieux. Ambitieux et original, car dans un cinéma français qui ose bien peu et qui s’aventure rarement dans le domaine du film fantastique, « Le Règne Animal » détonne. Thomas Caillet nous offre un film visuellement très soigné. Plans vertigineux, créatures plus vraies que nature, musique entêtante, le film est pensé jusque dans les petits détails, jusque dans cette affiche que je trouve très belle. Si on met de côté le fait qu’il est, peut être, un tout petit peu trop long (2h10), tout le reste est exempte du moindre petit reproche. Les scènes de suspens sont bien menées, bien dosée, le film n’est pas tape-à-l’œil (les créatures ne font pas peur au final, certaines sont même très belles) ni complaisant avec la violence des hommes contre les créatures ou inversement. Nous sommes clairement devant un film fantastique mais qui n’est pas que cela. « Le Règne animal » est un film politique également, un film qui explore des thèmes importants comme le statut de l’Homme et le statut de l’Animal, qui disserte un peu sur le choix politique d’interner au lieu de chercher à cohabiter, sur la peur du changement, de l’inconnu, de la différence. Thomas Caillet s’offre même le luxe d’un humour léger, essentiellement entre les personnages de François et Emile : un père attentif mais évidemment maladroit, un adolescent évidemment revêche et en même temps en souffrance, ça donne quelques répliques cinglantes et parfois drôles. « Le Règne Animal » est un film qui, comme je l’ai dit, pose pas mal de questions de fond sous le verni de la fable fantastique. Quand leur proche commencent à muter, les gens ont des réactions diverses entre accepter l’internement, la séparation (des espèces) ou bien cacher les créatures pour les préserver, ou bien encore les laisser vivre désormais leur vie d’animal. Tout le panel existe, de ceux qui sont fascinés à ceux qui sont dégouté en passant par ceux qui ont peur, devant une nouveauté de cette ampleur toutes les comportements sont explicables et crédibles. Les « créatures » ne mutent pas subitement, cela commence par des signes minuscules, la science essaie de stopper le processus (en vain) mais après les signes physiques vient l’instinct : le gout ou le dégout pour certains aliments, les idées fixes (voler quand des ailes poussent), l’incapacité progressive  à effectuer des gestes purement humains, comme faire du vélo. Le scénario ne se contente pas d’inventer un syndrome, il explore la mutation phase par phase, en montrant bien la complexité du phénomène mais aussi la détresse psychologique de ceux qui se découvrent atteint, ou de celle de leur entourage. Il y a paradoxalement beaucoup d’humanité dans « Le Règne Animal », bien plus que de fantastique, d’effets spéciaux ou de maquillages élaborés. François et Emile cherchent Lana en ayant à la fois envie et peur de la retrouver, de constater que le lien ténu avec elle est désormais rompu. Et puis, on le comprend vite, le jeune Emile commence lui aussi à muter et c’est toute sa mutation qui au cœur du film, comment il l’accueille, comment il lutte contre, comment il cherche à la dissimuler, comment il doit se résoudre à l’accepter. Si Romain Duris campe un papa fragile et parfois maladroit, mais plein d’amour pour sa femme et son grand fils (qui n’est pas facile, comme tous les ados), on sent que la maladie de son épouse a bouleversé sa vie sans remettre en cause ses principes écolo et humaniste. Paul Kircher, lui en revanche, impressionne dans un rôle très difficile (et ultra physique), celui d’un adolescent en pleine mutation, qui doit incarner visuellement une mutation improbable par le regard, par ses gestes, par son phrasé, par mille petits détails. Si physiquement il change, c’est dans l’attitude que l’évolution se remarque et ça, c’est purement du travail d’acteur. Adèle Exarchopoulos donne corps elle à un second rôle que j’aurais aimé plus écrit, plus développé car son rôle de gendarme (donc qui incarne le choix social de traquer les créatures comme des criminels qu’ils ne sont pas), aurait pu être l’occasion d’exposer un dilemme moral plus fort. Et puis il y les créatures, dont Fix l’homme oiseau, ce sont des personnages à part entière, même si certains ont des rôles de quelques secondes. Caméléons, aigles, ours, cochon, éléphant de mer, les mutations sont aléatoires et donnent au final des personnages qui ne sont pas dénués de beauté et de poésie. « Le Règne Animal » est un film très réussi et je dois l’avouer, je ne m’y attendais pas du tout. C’est un film fantastique très soigné, qui parvient à concilier avec intelligence la forme et des propos de fond complexes et pertinents.

La bande annonce de "Le Règne Animal"

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