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Fervente admiratrice de l’écrivain Eric Reinhardt, Bénédicte Ombredanne le rencontre à deux reprises à Paris. Elle lui raconte, avec la plus grande pudeur possible, l’enfer que son mari lui fait vivre depuis des années. Intrusif, obsessionnel, jaloux et égoïste, Jean-François Ombredanne maintient Bénédicte sous sa coupe sans jamais lui laisser le moindre répit. Un jour où Jean-François est allé un peu trop loin dans les cris et les reproches, Bénédicte s’inscrit discrètement sur un site de rencontre et sympathise avec Christian, un antiquaire qui habite à 200km de chez elle. Elle s’autorisera une aventure d’un jour, sensuelle et bouleversante, avant de revenir dans le giron de son mari et de ses enfants. Mais cette parenthèse signe pour Bénédicte le début d’une spirale infernale : Jean-François monte encore d’un cran dans une folie qui semble n’avoir aucune limite.
« L’Amour et les Forêts » est un livre déconcertant sur la forme comme sur le fond. J’avoue avoir eu du mal avec l’écriture d’Eric Reinhardt, il a un style très dense, les chapitres sont interminables, il va peu à la ligne, il fait peu de sous-chapitres. Du coup, on a l’impression d’être un peu écrasé par son style à la fois très peu « aéré » et quand même très verbeux. C’est très inégal en fait, certains chapitres sont passionnants, d’autres sont inutilement longs, détaillés, plein de redites et de digressions, à la limite de l’indigeste : c’est un peu les montagnes russes que de lire « L’Amour et les Forêts » ! Le début du roman est très cru, à la lisière de la pornographie (mieux vaut être prévenu), mais ce n’est pas tellement ça qui m’a dérangé. Il y a des pages et des pages qu’on est tenté de survoler tant ce qui y est raconté est bavard, désolée de le dire aussi brutalement mais certains chapitres (tout le début avec le tir à l’arc, le chapitre 5 qui nous sort totalement du sujet, le chapitre de fin qui semble être une rêverie) sont presque pénibles à lire. Ceci dit, le roman est construit de manière originale : Eric Reinhardt est un protagoniste de son propre roman, il écoute les confidences de Bénédicte pendant les deux tiers du roman. Dit-elle la vérité ? Invente-t-elle un amant qu’elle n’a jamais eu ? On ne saura jamais… Puis, pour le dernier tiers, il rencontre sa sœur jumelle qui lui donne à son tour sa vision du couple Bénédicte/Jean-François. Deux versions d’un même couple dysfonctionnel, vu de l’intérieur puis de l’extérieur. Le dernier tiers du roman, consacré à la version de la sœur jumelle, est le plus réussi, le plus édifiant aussi. Parce que c’est la sœur qui livre sa version, ce qu’elle raconte est HALLUCINANT ! Jean-François Ombredanne y est décrit comme un fou, un taré intégral, un véritable psychopathe et le plus fort, c’est que l’on sent bien à la lecture que c’est cette version-là qui est la plus proche de la réalité. Ce qu’il fait subir à Bénédicte est totalement dingue de mesquinerie, de vexation, d’égoïsme et de méchanceté gratuite et pourtant je crois chaque mot de sa version. Ce type, il faut l’enfermer et jeter la clef ! L’adaptation du film par Valérie Donzelli, pour réussie qu’elle soit, n’est fidèle au roman que dans ses deux premiers tiers (la version Bénédicte), et quand on a vu le film, on est surpris de voir subitement le roman prendre une autre voie. J’avoue avoir été scotchée par ce dernier tiers, mais aussi par le récit ex-nihilo d’Aurélie, une jeune femme que Bénédicte a croisée en maison de repos (chapitre 6). Par la faute d’un homme elle aussi, vit un calvaire qui n’est pas moins terrible que celui de Bénédicte. Il est même pire en quelque sorte car la pauvre Aurélie est victime d’un inconnu alors que Bénédicte est victime de l’homme qu’elle a épousé. Au sortir du roman, on est pétrifié par le phénomène d’emprise qui est décortiqué ici, on le comprend mieux, on le ressent presque dans sa chair. Cette impression de vie gâchée, de malheur et de solitude est assez dévastateur, ça nous prendre aux tripes et on referme le livre une boule en travers de la gorge. Bien qu’il ait parfois été difficile à lire dans la forme, et horriblement lourd sur le fond, « L’Amour et les Forêts » ne laissera personne indifférent et certainement pas les femmes qui le liront. Oui, c’est un livre de femme écrit par un homme. L’histoire de Bénédicte est peut-être réelle, peut-être inventée par l’auteur, mais dans les deux cas, elle vous percute par sa violence sourde et vous laisse complètement sonné sur le bord du chemin.