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Les temps sont troublés, face à une vague d’épidémies sans précédents, la population est soumise à un isolement strict : plus personne ne sort (sauf rares exceptions type police ou éboueurs), ouvrir les fenêtres est interdit, les denrées sont livrées par drones (et on mange ce qu’on nous donne!), le télétravail obligatoire et tout, absolument tout, droit se faire à distance. Dehors, le pays a sombré dans les dérives de l’État policier. Didier Martin est un bon citoyen de 41 ans, isolé avec sa femme Karine et son fils Jeremy, il obéit scrupuleusement aux règles. Il a décidé de tenir un journal, mais pas sur du papier, il écrit sur l’appartement, sur les murs, sur les portes, sur les plinthes, sur les meubles, et ce qu’il écrit révèle une personnalité terrifiante, ce qu’il écrit nous révèle la banalité du Mal.
Vous avez aimé le confinement ? Vous allez adorer l’IGT (Isolement Général Total). Olivier Bordaçarre, à travers le journal de son personnage principal, nous dépeint le cauchemar absolu : le confinement XXL poussé à son paroxysme, poussé jusqu’à l’absurde avec ses drones qui surveillent les ouvertures de fenêtre, les colis de ravitaillement remplis de pois chiche, et au-dehors une police qui tire sans réelles sommations. Malgré une liste d’interdits devenue surréaliste, malgré un isolement qui ressemble étrangement à un emprisonnement, Didier Martin, se porte bien. Lui, toutes ces règles il les a intégrées et il fait avec. Jamais avare de son mépris et de sa rancœur envers les « autres » (ceux qui protestent, ceux se plaignent, les immigrés des cités, ceux qui se suicident de désespoir, les intellectuels qui se posent des questions sur le bien fondé de telle mesure, les commerçants qui font faillite, etc...), Didier n’a besoin que de quelques pages pour devenir détestable. Et il ne lui faut que quelques pages de plus pour devenir carrément inquiétant. Très vite, on comprend que ce qu’il y a à comprendre entre les lignes de ce journal : Si les périodes troublées peuvent faire naître les héros, elles peuvent aussi révéler les psychopathes qui jusque à, s’ignoraient. Il ne parle que de lui, quand il évoque sa femme et son fils adolescent c’est avec rancœur, pour ne pas dire plus. La mort de son père ne lui tirera pas une larme, son attitude au téléphone avec sa belle-mère est ignoble. On croit que les circonstances lui ont fait perdre son affect, mais en réalité il n’en avait pas tellement, même avant. Plus les entrées de ce journal se succèdent, plus la personnalité perverse de ce « monsieur tout le monde » se dessine. Vers le milieu du roman, on trouve enfin par écrit a confirmation de ce qu’on supposait depuis le début, cet homme est fou, et pas seulement parce qu’il écrit sur les murs. Sa folie s’est révélée à l’occasion d’une crise sanitaire mais si cela aurait pu se révéler à l’occasion d’autre chose, le mal était là, en sommeil. Olivier Bordaçarre, avec son petit roman sans prétention, nous prends à la gorge et ne nous lâche pas jusqu’au dernier paragraphe. Hyper efficace (même si d’emblée on devine le rebondissement de milieu de roman), anxiogène parce qu’il nous renvoie à un passé récent pénible, et parce que c’est sacrément crédible. Ce n’est pas tant l’IGT qui est crédible que la dérive de cet homme. Didier Martin aime les normes, les choses bien rangées, l’obéissance, et distribue son mépris à tous ceux qui n’ont pas sa résilience. Olivier Bordaçarre fait à travers lui la caricature du citoyen prisonnier amoureux de ses chaînes. Je ne pense pas qu’il faille voir dans « Appartement 816 » une critique virulente des confinements, des vaccins, des passes sanitaires et des autorisations de sortie. Je pense que le propos va bien au-delà, c’est une critique globale de la société de contrôle qui nous menace, d’un état policier dans lequel il est facile de basculer, une société où les grands vainqueurs sont les multinationales (Ici appelée Mississippi, et non Amazon !) et les amoureux de l’ordre et de la «sélection naturelle ». Cela a un nom, ça s’appelle le Fascisme. État fasciste à l’extérieur, psychopathie à l’intérieur, tout fait peur dans « Appartement 816 ». Olivier Bordaçarre signe un roman terrifiant qui pourrait presque sonner comme un avertissement.