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Un point c'est (pas) tout

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Critique cinéma : Anatomie d'une Chute

Publié par Christelle Point sur 28 Août 2023, 16:03pm

Samuel, Sandra et leur fils malvoyant Daniel vivent dans un chalet en réaménagement dans la région de Grenoble. Le couple traverse une période de turbulence. Elle est écrivain à succès, lui aurai aimé l’être, et ne l’est pas. Le jour où Samuel est retrouvé mort suite à une chute des combles du chalet, la police ouvre une enquête pour « mort suspecte » et l’investigation montre que le doute est permis, des zones d’ombres ne sont pas éclaircies, des contradictions ne sont pas expliquées : le suicide est possible, le meurtre l’est tout autant. La Justice inculpe Sandra. Un an plus tard, Daniel assiste au procès pour meurtre de sa mère, et à l’autopsie de leur vie de famille.

Palme d’Or au dernier festival de Cannes, « Anatomie d’une chute » na partait pas gagnant en ce qui me concerne, je n’aime ni le titre, ni l’affiche et je me méfie d’un film de 2h30 au sujet peu engageant et que je j’imaginais être très bavard.  Justine Triet, à la réalisation comme au scénario, nous offre un « court movie » (film de procès) qui n’a qu’un seul défaut dans sa forme, celui d’être trop long. Elle aurait pu élaguer un peu, écourter certaines scènes sou en supprimer d’autres, surtout sur la fin, cela n’aurait pas nuit à l’efficacité de son film qui est indéniable. Mais bon, la mode est aux films trop longs, c’est comme ça… Elle prend la parti d’un film sans artifice, sans musique extérieure (les seules musiques qu’on entend sont jouées au piano par un personnage ou écoutées grâce à une enceinte), la photographie est volontairement crue, parfois le cadrage est incertain, comme pour donner l’impression d’un procès filmé « à l’arrache ». Ce parti pris donne au final un long métrage qui est très réaliste, qui donne (pour ce qui concerne le procès) presque l’impression d’un documentaire. Et puis, ici où là, des petites trouvailles de mises en scènes très réussies, comme cette scène où Daniel est appelé à la barre, les questions des uns et des autres se succèdent à son encontre mais la caméra n’est fixée que sur lui : à gauche, à droite, les dialogues fusent et le gamin subit au milieu, tiraillé entre avocat et avocat général, comme tiraillé entre deux parents qui se déchirent. Et puis, autre moment très touchant, lorsqu’il se remémore une discussion avec son père en voiture, et il fait parler son père avec sa propre voix. La victime, on ne la verra jamais en vie, on ne la verra que mort, ou bien au travers d’une photo, d’un enregistrement. Il est et restera une énigme, et la scène d’ouverture (qui met tout de suite dans le bain et fait entrer immédiatement le film dans le malaise) est emblématique : pendant que Sandra converse avec une étudiante, lui à l’étage met la musique de plus en plus fort pour empêcher ce dialogue et obliger la jeune femme à partir. L’attitude de cet homme que l’on ne voit pas mais qu’on entend de façon assourdissante, la violence sonore de cette scène pose le sujet : cet homme sera à la fois absent du film et terriblement envahissant. Cette scène d’ouverture est très réussie, et très efficace.  Le procès en tant que tel occupe la majeure partie du film, et c’est là que tout se joue où presque. J’ai rarement eu, avec un film de procès dans une cours de justice française, une telle impression de violence. L’Avocat Général, par Antoine Reinartz, est d’une pugnacité et d’une violence verbale redoutable, il manie l’ironie pour asséner ses coups, il frappe fort, très (trop ?) fort. Pour l’accusée (qui est peut-être innocente) c’est un supplice mais pour le gamin de 11 ans qui a tenu à assister à tous les débats, c’est encore pire. Le couple de ses parents sera disséqué, sa mère sera salie par l’accusation, son père dénigré par la défense, certains témoins affirmerons de choses de façon péremptoires, alors que la Vérité, la vraie, personne ne la connait. Même une fois le verdict rendu, et la vérité judiciaire prononcée, la Vérité avec un V majuscule nous échappera. Sans en dire trop, le jeune Daniel (malvoyant, je le rappelle) est le seul, du haut de ses 11 ans, à pouvoir orienter la Justice. Quelle responsabilité pour un enfant, entre une mère accusée et un père mort, possiblement suicidé, possiblement assassiné ! Il y a, dans la façon dont la Justice se repose sur ses petites épaules, quelque chose qui me met très mal à l’aise et ce n’est pas les 20 dernières minutes qui vont dissiper ce malaise, bien au contraire. Le film dissèque un couple, examine les rancœurs de chacun, les petites trahisons, les ressentiments, et la Justice en est son microscope. Elle grossit tout, elle simplifie ce qui est abominablement complexe, elle tente de mettre des mots simples sur des sentiments emmêlés : elle est forcément violente. « Anatomie d’une Chute » laisse le spectateur désemparé à l’issu du procès, S’il fallait trancher, si nous étions jurés : que décider ? Franchement, pour ma part, je n’ai aucune conviction ni dans un sens ni dans l’autre, même après 2h30 de film. J’ai déjà parlé de la composition d’Antoine Reinartz mais il n’est qu’un second rôle. C’est Sandra Hüller et le jeune Milo Machiano Graner qui tiennent le haut du pavé. La première donne une impression de force et de fragilité à la fois mais surtout, elle reste insaisissable de bout en bout : on aimerait la croire, mais on ne la croit jamais réellement. Quant à Milo Machiano Graner, qui n’est pas malvoyant, il est impeccable pour son jeune âge dans un rôle si difficile. Je l’ai bien aimé finalement, cette Palme d’Or. Elle est accessible à tous, mais je doute qu’elle plaise à tous : elle met mal à l’aise, elle est longue et surtout elle est frustrante. Quand la lumière s’est rallumé, derrière moi une femme à soupiré « Tout ça pour ça ! ».

La bande annonce de "Anatomie d'une Chute"

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