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Un point c'est (pas) tout

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Le coin des Livres : Hors d'Atteinte

Publié par Christelle Point sur 26 Avril 2023, 14:43pm

Lorsque le grand-père de Paul disparaît brutalement, ce dernier panique. A plus de 90 ans, son grand-père, la seule famille qui lui reste, est peut-être en train de perdre la raison. Rapidement retrouvé, le vieil homme demeure, depuis cet épisode d’errance, désespérément mutique. C’est à cette occasion que Paul découvre fortuitement qu’un ancien nazi, Horst Schumann, vivait juste dans la maison à côté de celle de son grand-père. Schumann était un médecin qui, avant de supplicier des juifs à Auschwitz, était un des responsables du funeste programme AktionT4 d’euthanasie des malades mentaux. Ce criminel de guerre, aux états de service aussi funestes qu’un Mengele, passa étrangement entre toutes les gouttes de la justice. Écrivain de son état, Paul trouve dans ce parcours un nouveau sujet pour un nouveau livre. Mais plus il enquête sur Schumann, plus il se rend compte que le destin de cet homme est étrangement lié à celui de son grand-père ; qui sait si ce qu’il va découvrir ne va pas ébranler toutes ses certitudes ?

J’avais découvert Frédéric Couderc grâce à « Aucune pierre ne brise la nuit », son roman sur la dictature argentine, le trafic des enfants et les terribles « vols de la mort » orchestrés par la Junte. Avec « Hors d’Atteinte », il se penche cette fois-ci sur la Seconde Guerre Mondiale et son cortège d’atrocités, puis sur la très imparfaite dénazification de l’Allemagne. La narration est double, le récit alterne entre deux époques et entre deux personnages principaux. Paul, de nos jours, fait des recherches sur Horst Schumann et sur son grand-père et écrit son livre, puis le publie, puis doit faire face aux conséquences de ce qu’il a écrit. Viktor, le grand-père, des ruines de Hambourg en 1947 aux années 70, poursuit inlassablement Schumann, aveuglé par la vengeance de ce criminel qui gaza sa petite sœur Vera (autiste et épileptique). Les deux temporalités s’entremêlent, les deux réalités se brouillent parfois (qu’est ce qui est dans le roman, qu’est ce qui n’y est pas et échappe à Paul ?), et le roman déroule une histoire de vengeance totale à la limite de l’esprit du western. Schumann passe entre les gouttes en Allemagne, puis au Ghana où il fraye avec le dictateur en place, finit par être rattrapé par la justice allemande et même là, lui échappe finalement avec cynisme. Sans jamais éprouver le moindre regret, il se drape dans une impunité révoltante. Toute cette partie sur Schumann est documentée, étayée et historiquement imparable. Comme il l’avait fait dans « Aucune Pierre ne brise la Nuit », Frédéric Couderc n’écrit pas sans base historique solide, il met d’ailleurs en scène un écrivain en train de se documenter somme il le fait lui-même. Tout ce qui touche à Horst Schumann dans ce roman est vérifiable, et je dois avouer que je ne connaissais pas ce nom avant de commencer le roman, comme quoi ce sale type à bien mené sa barque ! Couderc colle donc à ce personnage historique bien réel une intrigue qui elle, relève davantage du drame intime. Viktor poursuit de sa haine Schumann pendant plus de 20 ans, une haine qui confine à l’obsession, à l’autodestruction. Prêt à tout pour se venger (par la mort ou la justice), Viktor sacrifie tout, jusqu’à lui-même, jusqu’à lui aussi devenir (peut-être) un bourreau. Il y a quelque chose d’à la fois fascinant et inquiétant dans cette quête obsessionnelle. Cette histoire de vengeance se double d’une histoire d’amour tragique. Était-elle nécessaire au regard du reste du roman ? Jusqu’à quelques chapitres de la fin il est permis d’en douter, c’est peut-être le petit bémol que je réserve à ce très bon roman, un tout petit peu trop de romanesque, ainsi qu’une surprise finale sur une histoire de piano un tout petit peu grosse aussi ... Mais habilement construit et sachant ménager ses effets, le roman de Frédéric Couderc est passionnant en plus d’être très instructif. Ce roman, qui référence lui-même « HHhH » de Laurent Binet, et qui fait immanquablement penser à « La Disparition de Josef Mengele » d’Olivier Guez (deux romans excellents, au passage), en plus romanesque.

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