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Un point c'est (pas) tout

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Blog sur tout ce qui rend la vie plus chouette...


Le coin des livres : American Predator

Publié par Christelle Point sur 6 Avril 2023, 14:43pm

Samantha Koenig, 18 ans travaillait en 2012 dans un petit coffee shop d’Anchorage, elle était seule à la caisse de sa petite cahute, elle servait des cafés aux clients frigorifiés. Samantha Koenig a disparu sans laisser de trace un soir de février. Après une longue enquête de la police locale, puis du FBI, après bien des fausses pistes et des bisbilles entre service, un suspect est arrêté au Texas. Il s’appelle Israël Keyes, c’est un père de famille bien sous tout rapport, et il est en possession de la carte de crédit de Samantha. Les enquêteurs d’Alaska ignorent alors qu’ils viennent d’arrêter un tueur en série qui sévit en toute impunité depuis 14 ans dans tout le pays.

Maureen Callahan propose, avec « American Predator », un roman « true crime » aussi passionnant que terrifiant. Elle narre à la manière d’un documentaire l’histoire bien réelle d’Israël Keyes, tueur en série arrêté en 2012 au Texas, presque par hasard. La construction chronologique du roman est très intelligente. A la place d’un récit bêtement chronologique, elle commence son récit par le dernier crime, celui de Samantha Koenig. Dans la première des 4 parties du livre, elle raconte par le menu l’enquête qui mènera à Israël Keyes. C’est une enquête difficile, marquée par la malchance et les rivalités entre la police locale et le FBI. Au final, l’arrestation de Keyes est certes le fruit de l’obstination de quelques enquêteurs mais surtout le résultat d’une grande part de chance. Une fois Keyes arrêté, il s’agit de le faire parler, d’abord du cas Koenig, puis des autres cas précédents. Et Israël Keyes n’est pas un imbécile, pour donner au compte goutte des bribes de pistes, ils jouent avec les enquêteurs et un procureur ambitieux et incompétent, il marchande, il négocie, il mène en bateau. Comme il faut absolument qu’il parle, les enquêteurs cèdent à beaucoup de ses exigences, ce qui met quand même très mal à l’aise le lecteur lambda. Keyes a tué dans l’indifférence générale pendant 14 ans car il était intelligent, prudent, qu’il n’avait pas de victimes types, qu’il change régulièrement de méthode, qu’il tue dans un Etat et abandonne les corps dans un autre, se jouant des polices locales et des problèmes de juridictions. Au milieu du roman, un long chapitre nous apprend des choses totalement édifiantes sur son enfance et sa famille, une famille totalement marginale qui ne déclare pas les enfants à l’Etat-Civil, ne les envoie pas à l’école, les fait vivre dans des maisons sans eau ni électricité, le genre de famille survivaliste paranoïaque qui flirte avec le suprématisme blanc. Même si cela n’explique pas tout, cela pose clairement les fondations de ce que deviendra Keyes. Le récit peut paraître confus parfois tant il est foisonnant. C’est une enquête « à rebours », chronologiquement très éclatée, au fil des confessions distillées par Keyes, dans un désordre voulu par lui et pour garder la main sur les interrogatoires. Le côté désordonné du récit est donc parfaitement normal, le roman suit l’enquête du FBI qui est elle-même désordonnées par la force des choses et la volonté du criminel. Le roman, qui est un roman sans réellement en être un, est écrit dans un style journalistique percutant et efficace. On en apprend beaucoup sur les techniques d’interrogatoire, ce qu’il faut faire et dire, et ce qu’il ne faut pas faire ni dire (Cf le procureur, souvent à deux doigts de faire capoter l’enquête). On est clairement ici dans un entre-deux entre le polar et le documentaire : la réalité est racontée comme un roman, on est happé dés les premières pages par la disparition de Samantha et on est scotché jusqu’à la fin, une fin forcément frustrante, minée par l’incurie d’un système pénitentiaire américain déplorable. Le pire est bien entendu de savoir d’emblée que tout cela n’est que la cruelle réalité d’un psychopathe arrêté trop tard. Pourquoi son nom n’est pas entré au Panthéon des serials killer malgré son pedigree ? Peut-être parce qu’il était plus rusé que spectaculaire ou parce que l’étendu de ses crimes reste encore à découvrir. Mais pour un criminel narcissique de son acabit, plein de morgue et de suffisance, peut-être que c’est très bien ainsi...

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