/image%2F0902697%2F20230318%2Fob_bcfee5_le-silence-et-la-colere.jpg)
Après avoir fait douloureusement le deuil de l’un des leur, tandis que leur père se prend de passion et d’affection, à Beyrouth, pour un boxeur qui a toutes les caractéristiques du parfait punching-balls, les trois enfants Pelletier retrouvent leur vie à Paris. Toujours en proie à des pulsions violentes exacerbées par une épouse de plus en plus caractérielle (et dangereuse), Jean se prépare à lancer son grand magasin de vêtements bon marché, et tout ne va pas comme sur des roulettes ! François s’interroge de plus en plus sur le passé mystérieux de Nine, son amoureuse sourde. Quant à Hélène, promue au sein du journal, elle est envoyée dans l’Yonne au chevet d’un village condamné par la construction d’un barrage. Enceinte et déterminée à avorter, elle se retrouve vite dans une situation de double danger, physique et judiciaire.
Quel bonheur de retrouver Pierre Lemaitre et la famille Pelletier et de sautiller de personnage en personnage au fil des chapitres, Ici, nul coup de théâtre qui laisse sans voix comme dans « Le Grand Monde » mais qu’importe, le bonheur du lecteur de « Le Silence et la Colère » reste intact. Il est moins question de François dans ce deuxième opus, tout au plus se met-il à enquêter sur Nine, son adorable chérie, qui apparemment lui a beaucoup menti sur sa vie d’avant et sa famille. Les chapitres se déroulant à Beyrouth autour de la boxe sont pour moi le petit point faible du roman. Même si les personnages en jeu sont hauts en couleur, et notamment Lucien, le boxeur chétif (qui gagne ses matchs en prenant des coups et épuisant ses adversaires), ce sont les passages qui m’ont le moins passionnés. En revanche, Jean et Hélène crèvent l’écran dans ce deuxième tome. Jean, flanqué de l’insupportable Geneviève (mais elle est de pire en pire cette bonne femme, et donc de plus en plus drôle!) enceinte jusqu’au cou, voit la mâchoire de la justice se refermer doucement sur lui. Il a récidivé, mais cette fois pas mal de gens l’ont vu et un portrait robot fort ressemblent est diffusé par la police : ça sent le roussi ! Il est tellement malheureux avec sa femme, piégé et impuissant, tellement fou de sa fille Colette (pauvre gamine) qu’on pourrait presque lui trouver des excuses. Mais à la fin du roman, grâce à une employée de son magasin, une petite porte s’ouvre, inattendue et marque (peut-être) un début de rédemption. Enceinte, Hélène est envoyée en province. Elle se retrouve observatrice au cœur d’un conflit truculent dans un village condamné par un barrage, un village coupé en deux entre les résignés et les résistants, avec un ingénieur envoyé par Paris pour trancher dans le vif et qui, imperturbable, décompte les jours dans une ambiance de mini guerre civile. Elle tente d’avorter avec une méthode très limite qui échoue et, de plus en plus désemparée, cherche une solution à son problème. Le destin met sur sa route un policier zélé, qui traque les avorteurs et les avortées comme il le faisait sous Vichy, et avec les mêmes méthodes. La détresse d’Hélène, son désarroi, est particulièrement touchant, et même angoissant. Mais au cœur du tourment, comme pour son frère Jean, une rencontre inattendue va peut-être faire basculer son destin. Ce roman, toujours aussi merveilleux à lire, toujours aussi bien écrit (style simple, accessible mais loin d’être « bas de gamme ») et avec un humour ironique parfaitement dosé, est un roman de transition. Il pose les jalons d’un grand final très prometteur quant au destin judiciaire de Jean, sur ce que le Karma réserve à l’incontrôlable Geneviève, sur l’accomplissement personnel et professionnel d’Hélène. Que va-t-il advenir de la famille Pelletier au cœur des Trente Glorieuses ? Ça va être long d’attendre la suite...