/image%2F0902697%2F20230304%2Fob_f60345_en-finir-avec-eddy-bellegueule.jpg)
Eddy Bellegueule est né en Picardie dans une famille ouvrière très pauvre. Très vite, ses parents sentent qu’il sera différent des autres garçons du village, il sera plus délicat, plus cérébral, et surtout, pire que tout, il sera « efféminé ». Toute l’enfance d’Eddy, et toute son adolescence seront un véritable chemin de croix à cause de cette différence. Dans son milieu, il faut être viril, boire beaucoup, choper des filles et aimer le sport et la castagne, tout ce qu’Eddy n’est pas. A l’école, dans la rue mais aussi dans sa propre famille, Eddy est un souffre-douleur sur lequel on cogne, on crache, on médit, on se moque. Jusqu’à sa fuite dans un internat d’Amiens à l’âge de 15 ans, Eddy aura payé le prix fort de sa différence.
Edouard Louis (de son vrai nom Eddy Bellegueule) raconte son enfance dans ce premier roman qui lui a valu bon nombre de critiques élogieuses mais aussi bon nom nombre de critiques tout court. Il faut dire qu’il n’y va pas avec le dos de la cuillère quand il s’agit de décrire sa famille : incultes et violents, racistes misogynes et homophobes (le trio gagnant !), il a des mots extrêmement durs pour parler de ses parents, et notamment de son père. Mais ce que certains lui ont reprochés, c’est de faire à travers le prisme de ses parents le procès de la classe ouvrière. Entre les lignes de « En Finir avec Eddy Bellegueule », il n’y a en effet pas grand chose à sauver ni à espérer de cette classe ouvrières qui flirte avec le quart monde ; elle se contente de regarder bêtement la TV, de picoler et de voter Le Pen. On est loin, très loin de la lutte des classes, de « Germinal » et du « Grand Soir ». Cette description au vitriol m’a rappelé un film que j’ai vu il y a quelques années au cinéma, « Marvin », qui racontait d’ailleurs peu ou prou la même histoire. Non seulement la famille (mais aussi tout le village) d’Eddy le méprise et le traite de « gonzesse » (visiblement l’insulte suprême dans ce milieu), mais sa volonté de progresser, de faire des études, de partir « vers la ville » est considéré comme une trahison. L’ascenseur social n’existe pas, son destin était écrit d’avance : tu iras bosser à l’usine, tu te marieras jeune, tu feras des gosses et tu iras au PMU boire des coups avec des copains avant de rentrer mettre les pieds sous la table. Qui voudrait sortir de ce schéma serait un traitre, un prétentieux, un péteux. Alors moi je veux bien qu’on reproche à Edouard Louis d’avoir fait un portrait au vitriol de ses origines, mais s’il avait subit de serais-ce que la moitié de ce qu’il décrit, il aurait mérité de le coucher sur le papier son ressenti et ses souvenirs, et peu importe ce qu’en penseront ses parents ou frères et sœurs. De toute façon, si ce qu’il dit est vrai, ils ne le liront pas, ils ne lisent que le programme TV ! Peut-être force-t-il le trait, peut-être pas… Mais ce qu’on ne peut pas lui reprocher, c’est d’écrire mal : son livre est très bien écrit, dans un style efficace mais brut de décoffrage, qui appelle un chat un chat et qui ne fait pas dans la dentelle. Certains passages sont très crus, d’autres vous mettent le cœur au bord des lèvres. Complaisance ou cruelle réalité des faits, lui seul le sait. Mais son récit est fort, puissant, et sonne comme un uppercut. Et cet uppercut là va laisser une marque dans l’esprit et le souvenir du lecteur. Un roman autobiographique, difficile et douloureux, « En Finir avec Eddy Bellegueule » est un livre qui vous prend à la gorge dés le premier paragraphe et de desserre pas son étau avant le dernier chapitre.