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À des milliers de kilomètres de la Seine-Saint-Denis et de tous les souvenirs cruels de son ancienne vie, Victor Coste est toujours policier, cabossé et solitaire, il vit à présent sous légende. Responsable de la Police aux Frontières comme couverture, il fait en réalité partie du programme de protection des témoins. A Saint-Pierre et Miquelon, il a la responsabilité d’une « safe house » et Paris lui envoie des repentis à faire collaborer avant de leur inventer une nouvelle vie. Il n’a rien perdu de son fichu caractère mais cette nouvelle affectation lui convient, et il sait s’y prendre avec ses « clients ». Sauf que cette fois-ci c’est une victime qu’on lui envoie : Anna, unique survivante d’un tueur en série insaisissable. Victor va bientôt découvrir que les criminels sont parfois plus facile à cerner et à faire collaborer que les victimes.
Quelle chouette surprise que de retrouver Victor Coste ! Vu comment ses aventures s’étaient terminées à la fin de « Surtension », je n’étais pas certaine qu’on le reverrait un jour. Mais si, le revoilà, dans un autre endroit, une autre affectation, une autre vie et toujours avec son caractère bien trempé. « Dans les Brumes de Capelans » est un polar pur jus totalement addictif et réussi. Autant j’avais émis des réserves sur « Impact », autant là je retrouve le talent et la puissance du Norek de la « trilogie 93 » de « Surface » (d’ailleurs le roman lui fait un petit clin d’œil car il a un personnage en commun avec lui). Il campe son intrigue à Saint-Pierre et Miquelon, petit morceau de France perdu dans l’Atlantique Nord, qui vit quasiment en autarcie, et qui est noyé dans une brume opaque pendant plusieurs semaines à une période bien précise de l’année, ce qui donne son titre au roman mais joue aussi un rôle crucial dans l’intrigue. Cette intrigue se situe donc en grande partie là-bas, mais aussi en France, où sévit le tueur en série et que la police traque, en ayant toujours plusieurs coups de retard. On fait des aller-retour entre les deux théâtres d’opération, plus ou moins en temps réels (à part quelques flash back au début). Sans vouloir trop en dire, ce tueur, ses méthodes, la relation qu’il noue avec Anna posent beaucoup de questions et mette de plus en plus mal à l’aise au fur et à mesure des chapitres qui s’enchaînent. On repense forcément à un ou deux faits divers bien réelles et bien connus, comme si Olivier Norek avait mixé l’affaire Fourniret et l’affaire Natacha Kampusch avec l’affaire Marc Dutroux (très glauque, donc...) pour en sortir l’histoire de ce tueur « voleur de vie » et de sa victime n°1. C’est une intrigue claire et limpide (en dépit du titre !), qui va crescendo et se termine en double ou triple rebondissements, comme tout bon roman noir bien efficace. Le roman nous offre son lot de drame, de suspens, de dissimulations et autres coups de théâtre. Et tout fonctionne, comme dans une mécanique bien huilée. Si le personnage de Coste nous est familier, celui d’Anna n’en finit pas de nous perturber : Gamine de 12 ans, victime d’inceste, enlevée par un psychopathe et séquestrée pendant de longues années, elle a tout de la victime expiatoire parfaite. Mais plus on avance, plus elle s’avère complexe, manipulatrice, ambivalente et insaisissable, et ce jusqu’à la toute dernière partie du roman. Jusque là, c’est peu dire qu’elle mettait mal à l’aise, qu’on ne savait plus si on devait croire un mot de ce qu’elle disait, si on devait avoir confiance en chacun de ses gestes. Et puis la dernière partie arrive, rebat les cartes, clarifie… et nous assomme un peu ! Doté d’une complexité psychologique indéniable (et audacieuse, dans son genre), d’une vraie réflexion sur la victimologie et la reconstruction, d’une intrigue solide et haletante, campé dans une région insulaire (avec tout ce que cela implique), « Dans les Brumes de Capelans » est un excellent roman noir qui fonctionne de la première page au dernier chapitre : du beau travail d’orfèvre. Et puis, comme le roman nous laisse espérer que l’on recroisera un jour Victor Coste, ou du moins qu’il ne ferme pas la porte, l’espoir est permis de le revoir un jour.