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Pendant la Guerre, Mathilde était jeune et résistante, et elle a démontré rapidement une aptitude hors du commun pour le meurtre de sang-froid. Aussi, le conflit terminé, elle est devenue tueuse à gage pour un mystérieux employeur qui paye bien. Travail rapide et soigné, pendant trois décennies elle a entièrement donné satisfaction tout en menant parallèlement une vie rangée et respectable. Au cœur des années 80, elle a désormais 63 ans et les choses commencent à se gâter : elle tire plusieurs fois, abat des témoins de sa propre initiative, oublie de se débarrasser des armes après, voire les réutilise. Elle attire l’attention de la police et l’inquiétude de son employeur, et ça n’a pas l’air de l’inquiéter plus que cela !
Pierre Lemaitre fait officiellement ses adieux au polar en ressortant son tout premier manuscrit jusqu’ici jamais publié et au titre étrange « Le Serpent Majuscule ». Il s’agit donc d’un premier roman et franchement, ça ne se voit pas. Dans le style alerte, teinté en permanence d’humour noir qui est le sien, Lemaitre fait ce qu’il fait le mieux : nous embarquer avec lui dans son histoire mi macabre-mi loufoque. Son personnage de Mathilde est haut en couleur, elle ne paye pas de mine mais élimine avec un détachement et une facilité qui interroge. Mais peu importe au fond qu’on croit à ce personnage de vieille dame psychopathe ou pas, le plaisir coupable de suivre ses aventures n’en souffre pas. Il y a aussi un personnage de policier, malin et intuitif, que cette vieille femme intrigue et qui, jusqu’au milieu du roman, se rapproche dangereusement d’elle. Le roman n’est pas avare en personnages, souvent croqués avec malice. Dans « Le Serpent Majuscule », mieux vaut ne s’attacher à personne, ça canarde sec et sans états d’âme ! Le voisin de Mathilde, affable en apparence (seulement en apparence), est un personnage clef du roman, sous ses airs de jardinier du dimanche, c’est probablement le personnage le plus insondable. Le roman est très sympathique à lire, il n’est pas super crédible et il n’a pas le souffle ou la puissance des autres romans de Lemaitre (même les polars), mais il mérite le détour. Ici, on est presque davantage dans une farce policière que dans un roman policier. La fin est cruelle, ironique comme il convient et même, assez réjouissante. Petit livre ludique, décalé, bourré de malice et de mauvais esprit à l’image de son étrange couverture, « Le Serpent Majuscule » (je ne suis en revanche pas convaincue par le titre) est une sorte de sucrerie au goût piquant : agréable, originale, pas un monument du genre mais un très bon moment de lecture.