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Il est jeune, il est islandais, c’est un fils aimant et un frère charmant et prévenant, il est poli, intelligent, bien élevé, et blond comme les blés, un vrai petit ange. En 1958, il fondera le premier parti ouvertement nazi d’Islande, rêvera d’une internationale blanche scandinave pure et conquérante avant de mourir prématurément d’un cancer à Londres. Il s’appelait Gunnar Kampen.
L’auteur islandais Sjon nous propose un tout petit livre, lu très rapidement, composé de trois parties distinctes et dont le funeste « héros » meurt dans le premier paragraphe. Dans sa première partie, l’enfance et l’adolescence de Gunnar semble normale, et pas grand-chose ne laisse supposer le chemin malsain qu’il compte prendre. On comprend à demi-mot que son père et son oncle ne se parlent plus, que son oncle norvégien est en prison pour un bon moment à Oslo. La deuxième partie et épistolaire, Gunnar échange avec le gratin de fascisme nordique et occidental et son oncle (dont on comprend par périphrases qu’il a collaboré activement pendant la Guerre) et son engagement grandit et cela se concrétise dans sa troisième et dernière partie, où les fondations de son mouvement se posent. Tout ce récit, ancré dans un ton volontairement candide, est assez édifiant. Nous sommes en 1958, les braises de la Guerre sont encore brûlantes et les négationnistes sont déjà l’œuvre, les anciens SS ne se cachent pas autant qu’on aurait pu le croire, les anciens collabos croient encore au retournement de situation. Sjon prends le parti de « la banalité du mal » et ça donne un récit glaçant. Il a aussi le mérite de rappeler que les pays scandinaves ont été gravement touchés par l’esprit collaborationniste, même dans des pays non occupé comme l’Islande. Ces pays que l’on voit aujourd’hui comme des pays ultras progressistes (encore que c’est en train de changer) ont aussi dans leur histoire un antisémitisme historique bien ancré, une fascination pour "le peuple Aryen" forcément malsaine et le culte de l’inégalité des races. Le récit de Sjon, court et percutant, vaut sans doute mieux qu’un long discours pour faire toucher du doigt au lecteur de 2022 la puissance mortifère de la bête immonde, qui n‘en finit pas de bouger en Scandinavie comme ailleurs.