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A l’occasion de son 50ème anniversaire, Sébastien ouvre le petit carnet rouge qui l’accompagne depuis si longtemps, Dans ce carnet, il y a une quinzaine d’entrées, une quinzaine de personnes qui lui ont fait du tort tout au long de sa vie, de son ex-femme et son amant à ce gamin qui le harcelait à l’école. Passé 50 ans, il a décidé de faire passer l’addition et de se venger de chacun d’entre eux, de les punir par là où l’ont blessé. Le dernier de la liste, un certain Yannick Lefebvre, il lui réserve la punition suprême : la mort. Mais qu’à bien pu faire ce Yannick pour mériter une telle punition ?
Avec Jacques Expert, on n’est jamais déçu ! Spécialiste du thriller psychologique bien senti, bien mené et parfaitement addictif, Expert prouve encore une fois avec «Le Carnet des Rancunes » qu’il est incontournable dans le petit monde du roman noir français. Il raconte ici, à la première personne, l’odyssée vengeresse d’un quinquagénaire lambda, bien décidé à régler tous les comptes de ses 50 premières années de vie. La psychologie de Sébastien interroge beaucoup, il semble avoir accumulé un nombre anormal de coups durs, de trahisons, de vexations, de coups fourrés, occasionnant pas mal d’épisodes dépressifs. Du coup, très vite la question de sa santé mentale se pose : a-t-on à faire à un homme incroyablement fragile et malchanceux ou bien à un paranoïaque en plein délire, doublé d’un psychopathe en devenir ? Ce sentiment de confusion, qui va grandissant au fil des chapitres, est accentué par le personnage de Dominique. Sa nouvelle compagne et les relations qui les lie tous les deux mettent assez vite légèrement mal à l’aise. Dominique est trop parfaite, trop amoureuse, trop maline, trop tout pour qu’on ne se pose pas quelques questions. Il y a des petits détails, des mots posés çà et là, qui sèment le doute et nous mettent sur la voie du rebondissement final. Je dois avouer que je l’avais à moitié deviné quand même, le choc de la révélation finale. La fin ne m’a estomaquée, elle aurait peut-être pu être amené un tout petit peu plus subtilement. Intercalés entre les chapitres numérotés raconté du point de vue de Sébastien, il y a d’autres chapitres, sans numéro, raconté du point de vue de sa cible ultime, un certain Yannick Lefebvre. Cette dualité de narrateur est une bonne idée pour maintenir le suspens. Assez vite, on se rend compte que ce Yannick n’est pas très fréquentable, mais qu’il semble ne pas comprendre pourquoi il est harcelé par un type qui, de toute évidence, lui est parfaitement inconnu. C’est sur cette ultime vengeance que le suspens fonctionne le mieux : si au long du roman Sébastien explique en détails les vilenies des gens dont il se venge (parfois anciennes et anecdotiques, d’où le sentiment qu’on pourrait avoir à faire à un paranoïaque), dans le cas de Yannick il reste totalement muet. Le préjudice à l’air terrible (pour mériter la mort) et sa victime ne semble pas le connaître, c’est mystérieux et sur ce point-là le suspens est maintenu jusqu’au bout du bout. Le trouble grandissant de Yannick et sa famille devant ce harcèlement est assez bien rendu : comment des petites choses accumulées peuvent créer de grandes angoisses. D’une manière générale, le roman est très efficace, facile à lire et difficile à lâcher. Une fois terminé on le repose en se disant que « Le Carnet des Rancunes » pourrait donner lieu à une chouette série si un jour elle avait la chance d’être adaptée sur petit écran.