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En janvier 1944, le biplace de deux pilotes de la RAF est abattu au-dessus de l’Allemagne. Pour ne pas se faire capturer et fusiller, James (germanophone) et Bryan (pas du tout germanophone) parviennent à sa glisser dans un train-hôpital. Ils prennent la place de deux malades et décident, parce qu’ils n’y a rien d’autre à faire, de devenir mutiques et de se faire passer pour deux soldats SS psychotiques. Internés à l’Unité Alphabet, un hôpital psychiatrique réservé aux SS, ils sont condamnés à jouer une comédie de tous les instants, malgré le traitement, malgré les électrochocs. Si, au bout de longs mois d’enfer, Bryan parvient difficilement à s’évader, il est contraint d’abandonner sur place son ami James. En 1972, alors qu’il fait partie de la délégation britannique des JO de Munich et qu’il avait jusque-là refusé obstinément de remettre les pieds en Allemagne, Bryan, torturé par la culpabilité depuis si longtemps, part enfin à la recherche de James.
Ecrit avant la série du Département V, « « L’Unité Alphabet » se compose de deux parties d’égale longueur. La première partie, en 1944, est enthousiasmante, au point qu’il est difficile de la lâcher. Le calvaire impensable de deux pilotes de la RAF, contraints de se faire passer pour fous dans un hôpital pour SS, est incroyable, presque au sens littéral du mot. La peur de tous les instants, les traitements à dissimuler, le mutisme à conserver coute que coute, les infirmiers soupçonneux, les inspections SS, les électrochocs, les autres malades (qui peut-être sont également des simulateurs, qui sait ?), rien ne laisse une seconde de répit à James et à Bryan. Le plus fragile des deux est sans doute le second, et pourtant c’est bien lui qui parviendra à s’enfuir au moyen d’une évasion dantesque. James, lui, aura la malchance de devoir subir un acte médical qu’il redoutait et qui le laissera sur place. A quel point peut-on croire cette aventure, que j’imagine totalement fictive ? Je ne sais pas trop, cela parait gros sur le papier et pourtant, c’est tout le talent de Jussi Adler-Olsen de nous y faire croire à 100%. Il montre à cette occasion le formidable sens du récit qui est le sien et qui fera merveille avec le Département V. La seconde partie, après un grand saut dans le temps, est un peu moins emballante alors qu’elle promettait beaucoup. James est-il mort ? Si oui dans quelle fosse commune est-il et sous quel nom ? Sinon qu’est-il advenu de lui ? Le roman choisit la voie la plus improbable, en faisant de cette dernière partie du polar pur, presque rocambolesque. Ça tire un peu en longueur, c’est un jeu de chat et de souris qui n’en finit pas entre au moins 6 voire 7 protagonistes dans les rues de Fribourg-en-Brisgau. Ce qu’il est advenu de James est assez déconcertant, d’un point de vue médical, psychiatrique, c’est difficile à comprendre et à qualifier. De rebondissements en rebondissements, le roman nous amène vers une fin qui laisse un gout un peu amer en bouche. Reste que pris dans son ensemble, « L’Unité Alphabet » est un thriller historique assez réussi, avec notamment une première partie haletante. L’histoire de cet hôpital psychiatrique pour SS (secret parce que pour l’idéologie nazie, les malades mentaux sont normalement à euthanasier) est probablement aussi fictive que l’histoire de James et Bryan. Mais quand on le sait dès le départ, cela ne pose pas de problème. Cette fiction historique est donc une fiction certes, mais une fiction de bonne qualité et en littérature, c’est ce qui compte en premier.