Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Un point c'est (pas) tout

Un point c'est (pas) tout

Blog sur tout ce qui rend la vie plus chouette...


Le coin des livres : Azincourt par temps de pluie

Publié par Christelle Point sur 31 Août 2022, 14:45pm

De toutes les déculottées subies par la France au cours de son histoire, la Bataille d’Azincourt en 1415 est sans doute la plus emblématique, elle ne compte pas pour rien dans la réputation de « looser » que l’on se traine de part le monde. Plus rapide que Waterloo, plus humiliante que la Débâcle de 1940 et que Trafalgar, plus piteuse que la Retraite de Russie, cette bataille, qui ne dura au final que 3 petites heures, décimera quasiment toute la noblesse française de l’époque du roi fou, Charles VI. Elle est moins connue, parce qu’elle est plus ancienne, mais elle surpasse toutes celles qui suivront ! C’est cette bataille homérique que Jean Teulé passe à la moulinette de son mauvais esprit dans « Azincourt par temps de pluie ». Le roman est très court, il se divise en trois parties pour les trois jours (la veille, je jour J et le lendemain). La partie centrale est bien entendue la plus longue, agrémentée de petites cartes qui montre avec une clarté totale pourquoi les choses ont si mal tourné. Le seul personnage de fiction du roman est une catin à soldat, ironiquement nommée Fleur de Lys, qui regarde les évènements avec lucidité, posant de bonnes questions auxquelles évidemment personne ne daigne répondre, et qui finira en simple observatrice d’une boucherie sans autre pareille. Sinon, à part elle, que des personnages historiques des deux côtés, croqués avec ironie et cruauté. Le style de Jean Teulé est toujours un régal. On peut trouver parfois cela difficile à suivre, et même à supporter (car il ne fait pas dans la dentelle quand il décrit un carnage) mais je suis une cliente de son travail depuis bien longtemps et je ne me lasse pas de cet humour noir, de ses saillies un poil anachroniques. Le roman est assez court pour être vite lu (car parfois l’écœurement n’est pas loin) et laisser un souvenir assez fort. Teulé explique clairement que la chevalerie française, 5 fois supérieure en nombre, bien équipée, sûre de son fait, se chamaille pour participer à la curée et se couvrir de gloire sans imaginer une seconde qu’en face, les anglais affaiblis par la dysenterie, composée de gredins ramassés par Henry V dans les prisons, va lui colle rune pâtée mémorable. Pourquoi ? Parce qu’il pleut… Enfin pas seulement parce qu’il pleut, mais quand même un peu. Erreurs tactiques, décisions prises en dépit du bon sens, commandement improbable, valeurs de la Chevalerie chevillées au corps mais totalement dépassées, tout cela va précipiter la noblesse française vers son destin. Si les chapitres de la bataille proprement dite sont parfois éprouvants (la boucherie médiévale, c’est quelque chose !), les chapitres qui suivent sont plein d’une cruauté et d’un humour noir qui fait mouche : les cadavres français sont détroussés par les anglais, puis par les paysans français, pillés jusqu’à leur sous-vêtements et enterré en fosse commune. Tous ces nobliaux fort de leur naissance et de leur lignée, seront inhumés tel des indigents, on ne peut pas se départir d’un mauvais sentiment de satisfaction à la lecture  de ces lignes… « Azincourt par temps de pluie » est un roman par ailleurs fort documenté, il suffit de voir la bibliographie qui clôture le livre, historiquement c’est solide et fort instructif, comme toujours. La plume de Jean Teulé ne fait au final qu’apposer une compresse d’acide sulfurique sur la plaie ouverte d’une défaite historique. On le reconnait bien là !

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article

Archives

Nous sommes sociaux !

Articles récents