Le coin des livres : Respirer le Noir

Les éditions Belfond ont réunie 13 de ses auteurs pour une anthologie sur les 5 sens. J’avais déjà eu le plaisir de lire « Écouter le Noir » et voilà que se présente « Respirer le Noir » : 12 nouvelles (la dernière est écrite à 4 mains), de longueur et d’intérêt inégales (mais c’est un peu la loi du genre) avec un fil conducteur, l’odorat. Il faut pendre ce fil rouge dans son sens le plus large : odorat, parfum, senteur, puanteur… Des 12 nouvelles, je vais en retenir quelques-unes de particulièrement réussies. Celle d’Hervé Commère par exemple, un auteur que je n’ai pas encore lu, sa nouvelle « Le monde d’Après » est à mes yeux la plus forte du recueil, elle s’ancre dans la France d’aujourd’hui, celle de déclassement des petites villes, des gilets jaunes et du confinement. En quelques pages, celle montre ce qu’est devenue cette France coupée en deux, ce pays qui ne se parle plus mais s’invective, qui se juge et se condamne mutuellement. Et puis Sophie Loubière, qui affuble le frère du narrateur de « Respirer la Mort » d’un odorat surpuissant qui fera son malheur et nous offre une nouvelle très réussie. J’ai beaucoup aimé aussi celle de François Xavier Dillard « Happy World », qui narre un attentat terroriste au gaz mortel dans un immense parc d’attraction, et fat souffler sur le recueil un vent d’angoisse particulièrement efficace. Et que dire, un peu dans la même veine,  de « Petit nouveau » de Barbara Abel et Karine Giebel, inspirée par une histoire d’espionnage bien réelle (et dont je me souvenais, sans en connaitre tous les aspects terrifiants) et qui fait froid dans le dos. Petite mention aussi pour Franck Bouysse, dont le héros de « je suis un poisson » souffre d’une maladie qui lui donne en permanence une odeur de poisson pourri et qui pourtant, s’obstine à chercher l’amour. Autre petite mention pour Dominique Maison et son mort suspecte anxiogène à l’Élysée dans « Deux heures trente minutes », super efficace. Certaines nouvelles sont plus passe-partout, celle de R.J. Ellory qui ouvre le livre (à peine entamée, je devinais comment cette histoire de policier assassin allait se terminer) ou celle d’Adeline Dieudonné sur son paysan alcoolique amoureux dans « Glandy ». Et puis d’autres, peu nombreuses, n’ont pas fonctionné sur moi comme la futuriste « Miracle » de Vincent Hauuy (pas tout compris de cette histoire d’IA et de voyage dans les souvenirs) ou la courte mais un peu lénifiante « Les doux parfums du Cimetière » de Jérôme Loubry. Cette anthologie (il me reste 3 sens à explorer !) est surtout l’occasion de lire des inédits de mes auteurs favoris (Giebel, Abel, Loubière) et de découvrir, par échantillons, des auteurs qui pourraient me donner plus tard envie de lire leur travail.