/image%2F0902697%2F20220414%2Fob_59e915_l-empathie.jpg)
Il s’est auto proclamé Alpha, ce violeur en série qui escalade les façades des immeubles, pénètre dans les appartements, torture les petits amis et viole les femmes. La brigade du viol, située dans le poste de police du XIIᵉ arrondissement, est sous le feu des projecteurs et les deux enquêteurs de la brigade, Anthony (surnommé La Poire au regard de son physique) et Marion en ont fait une affaire personnelle. Il faut dire que les médias, jusqu'au ministre de l'intérieur, sont en boucle sur l'insaisissable Alpha. Mais l’identification et l’arrestation de ce criminel va réellement venir heurter de plein fouet leur histoire personnelle, car Anthony et Marion ne sont pas devenus policiers et spécialistes des violences sexuelles par hasard.
« L’Empathie » est un roman dont la lecture est assez éprouvante, je l’avoue. Je ne suis pas fâchée d’en avoir terminé avec ce livre qui, par la violence de ce qu’il décrit, met souvent mal à l’aise. La première chose à dire, c’est que le roman d’Antoine Renand est étrangement construit. Découpé en plusieurs parties, il est parsemé de très longs flash back qui racontent le passé des protagonistes : le passé d’Alpha et comment il en est arrivé à devenir cet ignoble viriliste ultra violent, le passé de Marion et le secret douloureux qu’elle dissimule, le passé d’Anthony qui est à la fois édifiant et très ambivalent, le passé de la mère d’Anthony, une célèbre avocate médiatique qui défend les pires criminels et n’est pas pour rien dans ce qu’est devenu son fils, etc... Au milieu de tous ces retours en arrière, l’enquête se poursuit, laborieuse, sur des crimes de plus en plus violents jusqu’au milieu du roman où tout bascule. Un rebondissement inattendu, choquant, assez rare dans le monde du roman noir fait basculer le livre vers autre chose. Sans trop en dire, on peut quand même laisser entendre qu’à partir de ce moment, on quitte le polar pour rentrer dans autre chose, qui s’apparente presque à un film de Tarantino, une sorte de western moderne. Le sentiment de malaise persiste jusqu’au bout, jusque dans les derniers chapitres car comme dans un bon thriller, la fin n’est jamais tout à fait la fin. C’est le premier Antoine Renand que je lis, je reconnais que je ne suis pas prête de l’oublier ! Je porte à son crédit plusieurs choses, notamment celle de montrer dans fard ce qu’est un viol et surtout les conséquences désastreuses à long, très long terme, que cela peut avoir sur les victimes. On sent dans « L’Empathie » (quel titre étrange et trompeur!) un vrai travail de recherche sur ce sujet. Et puis, je remarque aussi que les personnages du roman, tous les personnages, sont d’une vraie et riche complexité. La palme revenant sans doute, non pas à l’agresseur (encore que…) mais à Anthony. Ce policier taiseux met immédiatement mal à l’aise alors que dans les premiers chapitres, il est sans ambiguïté du côté des victimes, de la justice et du Bien. Plus on avance dans le livre, plus cette impression s’amplifie, on se met à le plaindre, à le détester, à le re-défendre ensuite, il est insaisissable du début à la fin et on n’arrive pas bien à se positionner vis à vis de lui. C’est assez peu fréquent dans le monde du roman noir. Même si ce roman ne convient clairement pas aux âmes sensibles, il a le mérite de remuer sans ambages la boue des violences sexuelles de toutes sortes. Même si sa lecture peut parfois sembler crue, choquante, elle n’est pourtant que le reflet d’une réalité : Antoine Renand n’est pas complaisant, il regarde juste les auteurs de viol dans les yeux et il soutient leur regard, aussi pénible que cela soit.