Le coin des livres : Il était deux fois

Gabriel Moscato, gendarme de son état, recherche activement sa fille Julie, qui s’est volatilisé alors qu’elle faisait du vélo non loin de chez lui. L’adolescente a disparu en 2008 et l’enquête ne mène nulle part, menant Gabriel au bord du gouffre. Un soir de 2008, voulant éplucher les registres d’un hôtel, il s’endort dans une chambre et se réveille dans une autre chambre, en 2020. Rien de surnaturel, Gabriel à fait une amnésie, une sorte de black out, et il n’a aucun souvenir entre 2008 et 2020. Ce qu’il découvre alors, c’est que 12 ans après sa disparition, Julie n’a pas été retrouvée, que son couple a explosé, qu’il n’est plus gendarme, que son ex-femme est maintenant la compagne de son meilleur amie et qu’il a déménagé à l’autre bout de la France. Il apprend aussi qu’un corps vient d’être retrouvé non loin de l’hôtel et qu’il ne s’agit pas de Julie. Une femme retrouvée morte, un choc psychologique qui fait perdre la mémoire : et si les deux faits étaient reliés… pour le pire ?

« Il était deux fois » n’est pas la suite ni le préquel du « Manuscrit Inachevé », mais même s’il s’agit d’une toute autre intrigue, ces deux romans sont intimement liés. Pourquoi ? Parce que « Le Manuscrit Inachevé », en tant que roman, est une pièce ultra importante de l’intrigue de « Il était deux fois ». Franck Thilliez invente un écrivain à succès, auteur donc à sa place du « Manuscrit Inachevé », Caleb Traskman. Impossible d’en dire plus sauf que c’est mieux d’avoir lu (et d’avoir en mémoire) le roman précédent pour bien appréhender celui-ci. C’est assez inédit comme démarche, assez malin même, surtout qu’à la fin de « Il était deux fois », Thilliez propose la fin (ou plutôt une fin ) à son « Manuscrit Inachevé ». Mais pas d’inquiétude, on peut aussi lire le roman sans connaître son prédécesseur ou si, comme moi, on s’en souvient mal. L’intrigue est assez compliquée mai s on s’y retrouve. C’est un petit numéro d’équilibre, on pense toujours qu’on va décrocher mais, non, on ne décroche pas. Les personnages sont relativement attachants et d’emblée, on sent qu’un happy end est hautement improbable. Le roman réserve son lot de rebondissements mais sans les multiplier pour autant. L’enquête sur les traces du Julie est double :Gabriel d’un côté, son ami Paul de l’autre, et nous entraîne loin des Alpes où Julie à disparu : à Orléans, dans le Nord, en Belgique et même en Pologne. Thilliez, dans le style efficace qu’on lui connaît, évoque l’Art Contemporain et son attrait étrange pour le morbide, pour le spectaculaire, pour le choquant, mélange de folie et de mercantilisme. La fin, en Pologne, est tout à fait cohérente avec cette surenchère et quand on découvre enfin ce qui est arrivé à Julie, on est pétrifié ! Même en ayant lu beaucoup de thrillers parfois assez sordides, je ne m’attendais pas à çà ! Si « Le Manuscrit Inachevé » m’avait un peu perdu en route, celui-ci est solide et efficace, à condition bien-sur de ne pas avoir l’âme trop sensible. La fin (manuscrite) du « Manuscrit Inachevé » proposée à la fin du roman est à lire absolument, même sans rien connaître du précédent roman dont elle est censée être la fin (je sais, tout ça est compliqué, le côté « poupées russes » est déstabilisant)  ! Cette fin laisse supposer, sans jamais réellement l’affirmer clairement, qu’un ultime et incroyable rebondissement pourrait intervenir dans l’histoire de Gabriel et rebattre les cartes de son fameux black out ! A vous de voir si vous voulez marcher dans la combine ou si elle est too much pour vous ! Mais attention, une suite n’est pas à exclure… « Il était deux fois » est un thriller efficace et très original dans sa forme. En plus, Thilliez fait un petit cadeau à son collègue Bernard Minier en prêtant son nom à un personnage : à nous maintenant de chercher un personnage nommé Franck Thilliez dans un roman de Bernard Minier.