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Un point c'est (pas) tout

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Blog sur tout ce qui rend la vie plus chouette...


Le coin des livres : Une Machine comme Moi

Publié par Christelle Point sur 25 Octobre 2021, 14:41pm

Nous sommes dans un monde parallèle, dans un Londres de 1982 très différent de celui que l’on a connu. Dans cet univers-là, Alan Turing ne s’est pas suicidé en 1954, il est au contraire devenu le fer de lance d’une informatique de pointe : les voitures sont déjà autonomes, les téléphones portables sont largement répandus et viennent de débarquer sur le marché les premiers androïdes. Charlie, un trentenaire dilettante, claque ses économies pour s’en offrir un, un « Adam ». Il prend le temps de le programmer, avec sa charmante voisine Miranda dont il est amoureux, et commence ainsi un étrange ménage à trois. Mais Adam a des sentiments purs, il ne connaît ni la trahison, ni le mensonge ou la dissimulation, ni la duplicité, tous ces sentiments humains le déroutent. Même si Charlie semble trouver vite une utilité économique et pratique à son Adam, il sous-estime grandement le conflit de valeur qui déstabilise son androïde, les trop imparfaits Charlie et Miranda en paieront le prix.

J’avais découvert le monde étrange de Ian McEwan avec « Dans une Coquille de Noix » avec son narrateur « in-utero ». Ici, il propose une uchronie mettant en scène les problèmes philosophiques soulevés par le développement de l’Intelligence Artificielle. Le premier intérêt que l’on trouve à « Une Machine comme Moi », c’est de se retrouver dans un monde où Alan Turing, au lieu de se donner la mort, aurait offert à l’humanité 50 ans d’avance technologique. Mais tout est chamboulé, la guerre des Malouines est perdue, le Brexit est déjà à l’ordre du jour mais ce sont les travaillistes qui le promettent. C’est toujours intéressant de voir un auteur de fiction se piquer d’uchronie, ça en dit toujours long sur ses idées, ses opinions, sa vision du monde. Mais le sujet principal est l’IA en la personne d’Adam, cet androïde à l’intelligence prodigieuse et à la morale si pure. Sans que l’on sache bien qui, de lui ou Miranda, a programmé quoi, Adam tombe amoureux de la jeune femme et Charlie se retrouve en concurrence avec un rival qui n’est pas un rival habituel. Au travers de plusieurs sous-intrigues (dont on en comprend pas d’emblée l’intérêt, mais qui sont pourtant capitales pour le dénouement), les confits moraux d’Adam deviennent de plus en plus prégnants et source de désarroi et de désordre. La morale du roman, c’est que le monde des hommes est trop imparfait pour l’Intelligence Artificielle, et que cela ne peut avoir que deux conséquences : la violence ou le désespoir. On pourra rétorquer que le sujet n’est pas nouveau, déjà maintes fois traité par la SF, mais quand même, c’est loin d’être inintéressant. No dénué d’un certain humour (comme dans la scène où Charlie, Adam et Miranda visitent le père de cette dernière et que le vieil homme croit que le volubile Adam est son futur gendre, et que l’emprunté Charlie est la machine), et d’un dénouement assez réussi et pertinent, « Une machine comme moi » souffre malgré tout de quelques défauts : des chapitres trop longs, des digressions qui partent un peu dans tous les sens, et peut-être, si on est sévère, un certain manque de profondeur dans les personnages. Mais cela n’enlève pas l’essentiel à cette uchronie intelligente et exigeante qui n’hésite pas à poser son lecteur devant de vraies questions philosophiques, voire métaphysiques, sans jamais toutefois le perdre en route, et c’est tout à l’honneur de Ian McEwan. Ce roman confirme l’audace et l’acuité de cet auteur anglais encore trop méconnu.

 

 

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