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Originaire d’une petite ville de Géorgie, le petit Joseph Vaughan coulait une enfance modeste mais heureuse jusqu’à la mort de son père. A partir de ce moment, là, tout est parti en sucette dans sa vie. On était en 1939, et le premier cadavre de petite fille violée, assassinée puis démembrée est découvert tout près. Puis on découvre un deuxième cadavre dans un comté voisin, puis un troisième et la série macabre ne semble jamais devoir s’arrêter. Joseph connaissait quelques unes des petites victimes, des copines de classe, des gamines fréquentées à l’église, et tous ces crimes le plonge dans l’angoisse. Dans cette ambiance d’assassinats non élucidés qui continuent encore et encore, Joseph grandit, tombe amoureux, souffre, perd sa maman devenue folle, puis finit par fuir vers Brooklyn, dans la perspective de laisser derrière lui toute cette violence et de devenir écrivain. Alors que l’affaire de Géorgie semble avoir été tardivement élucidée, c’est la mort qui rattrape Joseph à New York, une mort qui ressemble trait pour trait aux crimes du Sud. Tout cela n’a pas de sens, tout cela n’a qu’une explication : le meurtrier court toujours et en a après lui à présent.
C’est une gageure de résumer « Seul le Silence » tant le roman de RJ Ellory est dense. Jusqu’au dernier chapitre ou presque, on aura tout envisagé, tout imaginé de l’identité du coupable de tous ces crimes abominables. Ce roman a plein de qualités mais la plus grande d’entre toute, c’est d’avoir réussi à conserver une opacité totale sur la question du coupable et ce jusqu’au bout du bout. Les chapitres relatant les aventures de Joseph sont entrecoupés de chapitres courts, écrits en italique et ce sont visiblement des flash forwards, dans lesquels Joseph, devenu adulte, tient en joue le véritable criminel qu’il aura réussi seul à identifier après des années et des années de recherches. On a donc une idée de comment cela va finir et le sel, c’est de trouver qui est à l’autre bout du revolver. Et de ce point de vue, la révélation est totalement réussie. A part l’intrigue policière a proprement parler, il y a aussi Joseph. Le roman étant écrit à la première personne, on s’identifie vite à ce gamin orphelin de père, dont la mère glisse doucement vers la folie, et qui ne supportant pas qu’un sale type assassine des petites filles, entreprends de vouer sa vie à le confondre. Il lui faudra presque une vie pour le faire, et il y laissera beaucoup de plumes en route. De son premier amour (un amour au gout d’interdit, carrément audacieux pour l’époque) au drame absolu qu’il connaitra à New York et qui aurait pu lui couter la vie (là encore, j’ai été cueillie comme une fleur par l’auteur car je n’avais rien vu venir : chapeau !), Joe Vaughan traverse l’Amérique dans années 40 aux années 70. Il n’oublie jamais de rapprocher ce qu’il vit de la violence du monde, de la guerre d’abord (son voisin est d’origine allemande, ce qui ne va pas sans rajouter au problème), puis de la ségrégation, de la violence politique dans années 60, comme pour bien cadrer sa lutte pour le Bien dans un cadre plus large. Un bémol cependant, dans tous les chapitres qui se déroulent pendant la guerre, les populations de Géorgie ont l’air drôlement bien informées de ce qui se passe en Europe, dans les rues de Berlin et dans les camps nazis. D’un point de vue historique j’émets quelques doutes sur la question ! RJ Ellory réussi, avec « Seul le Silence », à inclure une histoire de crime en série (à une époque où le mot et le concept n’existe pas) dans l’histoire d’une vie. Frustrant quand, pour retarder au maximum l’identification du meurtrier, il décide de ne jamais donner la moindre piste sur las motivations du tueur, sur sa psychologie, sur le sens que toutes ses horreurs avaient pour lui. Bien-sur, quand on cantonne le nom de l’assassin aux dernières lignes d’un livre, on prive le lecteur de tout un pan de cette histoire criminelle, et pas la moins intéressante. Sur beaucoup de jaquettes de romans qu’il écrira après, on lit « Par l’auteur de « Seul le Silence » » comme si ce roman était fondateur dans l’œuvre de RJ Ellory. Honnêtement je comprends, en dépit de ses petits défauts, c’est un roman dense et diablement réussi.