/image%2F0902697%2F20211004%2Fob_344986_le-jour-des-cendres.jpg)
A peine remis de leur enquête précédente (voir « La dernière Chasse »), Pierre Niemans et Ivana Bogdanovic sont envoyés dans le Haut Rhin où le corps d’un religieux vient d’être retrouvé dans les décombres d’un chantier de restauration d’église. Cela ressemble tellement à un accident que les gendarmes ont a peine enquêté. Mais la victime n’est pas n’importe quel religieux, c’est le membre d’une congrégation ancienne, très fermée et très particulière. La communauté vit selon les principes du XVIIIᵉ siècle (comme les Amish), elle produit un vin d’Alsace exceptionnel et cela suffit à leurs subsides. Niemans est persuadé qu’il ne s’agit pas d’un accident, et Ivana s’est fait engagé comme saisonnière pour les vendanges : lui dehors, elle à l’intérieur, ils vont fouiller les sombres secrets d’une communauté en apparence non violente, mais en apparence seulement.
Lorsque s’ouvre le premier chapitre du « Jour des Cendres », Niemans vient d’arriver sur site alors qu’Ivana est déjà infiltrée parmi les saisonniers, c’est peu dire que le roman part bille en tête ! Passionnant comme « La Dernière Chasse », peut-être même un peu plus, « Le Jour des Cendres » a peu de défauts mais il en a quand même un de taille : la crédibilité. La communauté dont il est question ici vit en cercle fermé dans une immense propriété de la route des vins d’Alsace, ses membres vivent en autarcie, les enfants ne vont pas à l’école, les malades ne vont pas à l’hôpital, les policiers ne rentrent jamais dans le domaine, les services de l’État (sécurité sociale, état civil, recensement…) s’arrêtent à leur porte. Ce qui est possible aux États-Unis ne l’est pas en France, pays laïc, centralisateur et jacobin. Et autant le dire tout de suite : on n’y croit pas une seconde ! Il faut donc fermer les yeux sur la crédibilité du postulat de départ pour rentrer dans le roman. D’un côté on a Niemans qui fait une enquête traditionnelle avec ses gros sabots et sa grande bouche, et de l’autre Ivana qui essaie de se couler dans une communauté qui exerce sur elle un attrait étrange. La morale de cette communauté tient en un seul adjectif : lénifiante. Pureté, docilité, magnanimité, exaltation du sentiment religieux, tout cela semble séduire Ivana (sûrement à cause de son passé ) mais laisse le lecteur mi-dubitatif, mi-amusé, en tous cas fort peu convaincu ! L’intrigue se déroule sans à-coup, les révélations s’enchaînent : autopsie bâclée, saisonniers soupçonnés, dissimulation d’œuvre d’art, et peu a peu se dessine une voie, sans surprise celle du sang. C’est décidément une marotte de Jean-Christophe Grangé, cette obsession du sang, du lignage, de sa pureté. Le dénouement est comme d’habitude encore plus glauque que l’enquête elle-même ! D’une certaine manière, ce roman fait écho au précédent qui se déroulait de l’autre côté de la frontière : le contexte est très différent, le fond est le même. Le roman se lit vite et facilement, on a même du mal à le lâcher ce qui est le signe d’u bon thriller, efficace et bien troussé. Grangé n’abuse pas du suspens artificiel et des cliffhangers à chaque fin de chapitres, il sait doser ses effets. En résumé, si on accepte le postulat improbable de départ, alors on passe un bon moment avec « Le Jour des Cendres », sa secte d’illuminés consanguins et ses deux enquêteurs dissemblables mais néanmoins complémentaires.