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Déjà que la petite boucherie de quartier de Sophie et Vincent Pascal ne marchait pas très bien, déjà que leur couple battait sérieusement de l’aile, mais voilà que des végans viennent saccager leur boucherie et détruire leur marchandise ! Pascal, dans un moment de furie, écrase accidentellement un de ses agresseurs et encouragé par sa femme (qui regarde beaucoup trop « Faites entrer l’accusé » !) le coupe en morceau pour faire disparaitre le corps. Sur un malentendu, Sophie vend les morceaux comme du porc et le succès est immédiat. Elle parvient à convaincre Pascal que vendre de la viande de vegan pourrait sauver la boucherie, ainsi que leur couple. Mais une fois le premier corps entièrement vendu, le souci est de s’en procurer de nouveaux. Ainsi commence la quête macabre des bouchers cannibales : faites entrer les accusés !
Amis du bon gout, de la nuance et de la finesse, passez votre chemin, le nouveau film de Fabrice Eboué ne fait pas dans la dentelle. Comédie gore et macabre totalement assumée, « Barbaque » est un film court, assez rythmé et qui fait la part belle à toutes les exagérations : Ca découpe des corps, ça assassine, ça mange et ça fait manger du cadavre humain, ça choisit ses victimes sans états d’âme. Le curseur est poussé dans tous les domaines : lorsque le personnage de Sophie est dépressive, c’est une loque humaine, lorsque des personnages secondaires sont racistes et puant, ils le sont sans scrupules, lorsque les vegans sont extrémistes, ils le sont à 200%. Je l’ai toujours pensé, pour que l’humour noir fonctionne il faut que ce soit très drôle, sinon ça met mal à l’aise. Ici, sauf à prendre le film au premier degré (mais bon, qui va faire ça ?), c’est drôle, en tous cas moi ça me fait rire. Il y a quelques gentilles trouvailles de réalisation, comme la mise en perspective d’un documentaire animalier avec la chasse de Vincent, ou bien les nombreuses parodies de « Faites entrer l’Accusé », toutes plus improbables les une que les autres. C’est bien réalisé, Fabrice Eboué jouant sur tous les registres possibles pour créer le décalage. La musique par exemple, est totalement utilisée à contre-emploi (comme découper un cadavre à la hache sur une valse viennoise que ne renierait pas Sissi). Alors oui, bien-sur il ya un peu de déchet, certains jeux de mots ou certaines répliques sont vraiment très borderlines, certaines allusions au nazisme n’étaient peut-être pas utiles, en tous cas en si grand nombre. Je préfère son humour quand il est plus discret, comme faire remarquer sans le dire jamais vraiment que tous les sérials killers de Christophe Hondelatte ont des prénoms en guise de noms de famille, Vincent Pascal y compris. C’est vrai ça, les Emile Louis, les Guy Georges, les Patrick Henry, alors pourquoi pas Vincent Pascal ? Il était presque prédestiné ! Marina Foïs est assez géniale dans le rôle de Sophie, je dois dire. Contrairement à son mari, très (trop) vite elle n’a plus de limites. Au fond d’elle sommeillait une psychopathe qu’elle-même ne soupçonnait pas ! Elle fait peur, Marina, avec cette froideur candide dans le regard. Fabrice Eboué est très bien, contrairement à elle, on n’arrive pas à le détester ni même à avoir peur de lui, Même s’il est le seul qui tue, il est aussi le seul qui semble voir les limites, en refusant obstinément de tuer des femmes veganes ou des enfants vegans, ou bien son futur gendre (et pourtant…). Les personnages secondaires sont croqués sans nuances, que ce soit les militants vegans ou bien les bouchers industriels, il n’y a rien à sauver chez eux. Même si le sujet est original et gonflé, il n’est pas nouveau « Delicatessen » ou « Les Bouchers Verts » ont, avant Fabrice Eboué, touché au tabou ultime qu’est le cannibalisme. Sauf à être vegan soit même ou être sans humour (et cumuler les deux de surcroit), il faut s’avouer que voir un type normal vendre de la viande humaine à tour de bras pour refaire la santé de son fond de commerce est gentiment subversif. C’est d’autant plus drôle que l’on sait qu’il n’y a pas de prosélytisme derrière ce film. En poussant le curseur comme Fabrice Eboué, on pourrait même faire de « Barbaque » une ode au véganisme : vous voyez bien qu’être vegan est bon pour la santé puisque leur viande est meilleure ! Je fais du mauvais esprit, c’est vrai mais c’est l’essence même de « Barbaque » : si les vegans vous exaspère avec leur leçons de morale et leur culpabilisation permanente, il vaut mieux les bouffer dans une comédie et les laisser vivre leur vie de vegan tranquille dans la réalité, c’est une sorte d’exutoire. Evidemment, tout le monde n’aimera pas ce film, sans être militant certains le trouveront juste « pas drôle », « de mauvais gout », « sans saveur ». Il faut déjà être un peu client de Fabrice Eboué sur scène pour aimer « Barbaque ». La dernière question à « trancher » c’est : vaut-il mieux voir ce film avant ou après le repas ? Je vous laisse juge…