Le coin des livres : Le Discours

Ce soir Adrien dîne chez ses parents avec sa sœur et son futur beau-frère. En temps normal, il fait plus ou moins de la figuration pendant les dîners de famille, se contentant de hocher la tête d’un air entendu et de relancer mollement la conversation en attendant le dessert. Mais ce soir, c’est encore pire. Il a envoyé à 17h42 un SMS anodin à Sonia (le couple est « en pause » depuis plusieurs semaines, à son grand désarroi) et elle ne répond pas. Et pour couronner le tout, Ludo, son futur beau-frère, lui demande de préparer un discours pour le mariage. Alors ça, c’est la cerise sur le gâteau au yaourt !

Adapté il y a peu par le cinéma, « Le Discours » est un roman très court, sous la forme d’un monologue intérieur, qui se déroule le temps d’un dîner : unité de temps, de lieu et de personnage. L’intrigue est d’une banalité totale mais qui parlera à tout le monde : qui n’a pas regardé avec insistance un téléphone qui s’obstine à rester silencieux ? Adrien psychote, tergiverse, se fait des films, se souvient de sa relation avec Sonia, cherche où et quand les choses sont parties en sucette, ronge son frein pendant ce dîner mortel qui s’en finit pas. Entre les chapitres (assez courts) s’intercalent quelques tentatives de discours, toujours pathétiques et maladroits. Il pourra paraître geignard ou nombriliste à certains lecteurs, Adrien, mais quand on est amoureux on est toujours un peu pathétique ! Au fond, ce n’est pas l’intrigue et son issue (assez prévisible) qui fait l’intérêt de ce roman, c’est le style de Fabrice Caro. C’est un livre très drôle et très cruel en même temps ? Car Adrien, tout à son désarroi, n’est pas très enclin à l’empathie avec sa mère, son père, sa sœur et Ludo. C’est drôle, c’est sanglant, c’est cinglant et sans pitié, j’adore ! Cela faisait longtemps que je n’avais pas lu une diatribe aussi drôle et réussie, qui n’épargne personne, pas même le narrateur, et surtout pas le narrateur ! « Le Discours » est un roman-gourmandise, que l’on dévore avec un plaisir un peu coupable, celui de dire ses quatre vérités au monde entier… dans son for intérieur, il ne faut pas exagérer non plus ! Je ne regrette pas une seconde d’avoir dévoré « Le Discours » que, je le signale au passage, a été très bien adapté par le grand écran. Cela donne surtout très envie de lire les autres romans de Fabrice Caro, si c’est aussi savoureux ce serait dommage de s’en priver.