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Alors jeune étudiant, Morgan Sportes travaille dans un journal de type « Détective » où il pisse de la copie sans conviction. Idéologiquement, il se cherche, il voudrait bien être de gauche mais la gauche soixante-huitarde ne l’emballe pas, et puis être de droite ce n’est pas top non plus pour ce fils de pied-noir à moitie juif. C’est un peu dans cet état d’esprit qu’il rencontre une jeune femme, qu’il surnomme Louis et aussi le père de celle-ci, prénommé Rubi. Ce homme-là l’intrigue et le fascine car avant, pendant et après la Guerre il aura été tout et son contraire : Résistant et milicien, maquisard et engagé au STO, engagé volontaire dans la SS et prisonnier à Dachau, jugé pour crime de guerre pendant l’épuration, partisan du FLN et anti gaulliste : un parcours erratique avec pour seul point d’ancrage jamais démenti, un antisémitisme crasse, venu d’on-ne-sait-où! Rubi raconte, omet, enjolive, tord la réalité et Morgan Sportes écoute, mi fasciné, mi incrédule.
Voilà un récit (plus qu’un roman, c’est davantage une tranche de biographie) bien étrange. Dans sa forme déjà, il ne faut pas moins de 30 pages à Morgan Sportes pour parvenir enfin au sujet de son livre, le fameux Rubi. Avant cela, le livre aura oscillé entre les états d’âme idéologiques de l’auteur et les rencontres plus ou moins intéressante qui émaillent sa jeunesse. C’est plutôt bien écrit, pas désagréable à lire mais bon… Et quand arrive le fameux beau-père, là le récit s’éclate complètement. Il faut suivre : Sportes parle de lui, puis de Rubi, puis encore de lui, etc. Et chronologiquement c’est pareil : l’avant-guerre, les années 80, la Guerre, tout est rebattu en permanence. Je n’ai rien cotre le procédé, mais ça peut franchement dérouter au bout d’un moment. Même si le parcours de Rubi est raconté dans une chronologie (relative), le fait de faire sans cesse des bonds entre les époques n’aident pas à se faire une idée sur un personnage aussi étrange. Car sur le fond, alors qu’on s’attend à avoir à faire avec un homme aux convictions idéologiques embrouillées, passant d’un extrême à l’autre par le plus petit dénominateur commun possible, on a vite compris qu’on a surtout à faire à un pauvre type ! En fait, les engagements successifs de ce jeune homme sont davantage guidés par l’égocentrisme (et la volonté de se situer toujours du côté du manche), la peur, l’envie, la faiblesse ou la facilité. Ceci dit, à bien y réfléchir, comment aurait-il pu en être autrement ? Le cheminement de Rubi n’est pas sans intérêt, loin de la. Il permet de lever le voile sur certains vilains aspects de la Guerre, de la Résistance, et de la Collaboration, des aspects méconnus. On assiste même à des scènes improbables, à la limite de l’absurde. Le souci de Sportes et celui du lecteur est le même : on en peut pas faire confiance au récit de Rubi, il a trop à cacher, il tord la vérité, passe sous silence, exagère, décale les évènements dans le temps et donc, jette la suspicion sur beaucoup d’aspect de son récit. En résumé, le récit de Morgan Sportes est davantage celui d’une génération que celui d’un homme. Il y avait les héros, Résistants communistes, gaullistes, royalistes même, il y avait les Collabos, par intérêt économique, adhésion idéologique et puis au milieu, les Rubi : toute une génération de jeunes gars perdus dans une Guerre qui les dépasse, trop lâches pour la Résistance, pas assez facho pour la Collaboration, juste préoccupés par leur sort personnel. Même si le roman peut déconcerter, même si parfois il n’est pas facile à lire, « L’aveu de toi à moi » ne laisse pas indifférent.