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Cela fait 4 longues années que Jeanne est plongée dans le coma suite à un accident de la route. Sa mère, Micheline, passe énormément de temps aux côtés de sa fille mais les médecins sont pessimistes, Jeanne ne reviendra jamais parmi les vivants. Pour sa mère, arc-boutée sur ses croyances religieuses, arrêter les machines est inconcevable. Son mari Gilbert, un businessman inflexible, supporte bien plus mal l’impasse dans laquelle se retrouve sa fille. Jérôme, le mari de Jeanne, est de plus en plus tenté de refaire sa vie. Quant à sa sœur Charlotte, elle s’affadit dans un mariage malheureux et sans enfant. Lorsque les médecins insistent pour parler au cercle familial, tous pensent se retrouver devant une décision impossible prendre, sur laquelle ils ont, ils le savent déjà, peu de chance de trouver un accord. Mais ce n’est pas de l’arrêt du respirateur dont il va être question, mais de quelque chose de bien pire, et qui, telle une bombe à fragmentation, va faire exploser l’entourage de Jeanne. Autour de son corps immobile va se jouer un drame imparable, et certains pourraient ne pas survivre à la jeune femme.
J’aime Barbara Abel et la façon qu’elle a de plonger des gens comme vous et moi dans des situations aussi terrifiantes que crédibles, situations dans lesquelles se révèle leur nature profonde, juste sous le vernis quand on gratte un peu. Avec « Et les vivants autour », j’ai d’abord cru que l’auteure s’était inspiré de l’affaire Vincent Lambert. Si on y pense forcément, c’est d’abord parce qu’autour de cette jeune femme alitée, il y a une famille divisée et des parents, profondément croyants pour qui l’euthanasie est inenvisageable. Mais ce n’est pas réellement d’euthanasie dont il est question ici (je n’en dis pas plus…) alors la comparaison s’arrête là. Autour de Jeanne, le seul personnage innocent et insaisissable du roman, s’agitent 4 personnages complexes (même s’il n’est pas interdit de trouver les parents un tout petit peu caricaturaux par moment). Son mari Jérôme, sûrement celui le plus facile à cerner car ses réactions sont d’une normalité totale. Il l’aime, mais il commence à penser qu’il va falloir qu’il passe à autre chose, et qu’il doit envisager de refaire sa vie. Qui pourrait lui en vouloir à part les parents de Jeanne ? Le père d’abord, un homme d’affaire sans affect ni scrupule, orgueilleux et méprisant, immédiatement antipathique et pourtant, quelque part, on finit par trouver que c’est sans doute lui qui comprend le mieux (ou le moins mal) la situation de Jeanne, la perception qu’on a de Gilbert change au fil du roman. C’est la même chose pour sa mère, Micheline, mais dans l’autre sens : de mère dévouée et victime d’un mari autoritaire, elle passe progressivement dans la peau de la mère abusive, inflexible et bornée, tellement aveuglée par ses croyances religieuses qu’elles lui font envisager l’inenvisageable. La sœur Charlotte, sans doute le personnage le moins bien croqué, souffre de l’attention que tout le monde à toujours porté à Jeanne, et encore plus depuis 4 ans, le grand classique de la sœur invisible. L’intrigue est limpide, les rebondissements inattendus et on sent qu’on se dirige vers le drame inexorablement, sauf que tout cela s’avère au final bien pire qu’on ne l’imaginait ! Les derniers chapitres sont assez bien vus, chacun trouvant une fin à la hauteur de son karma, sauf peut-être pour Jérôme qui avait la plus mauvaise place ! Quant à la dernière page, l’ultime rebondissement, je ne sais pas s’il était bien utile, franchement… Barbara Abel, qui avait flirté avec le « sans faute » jusque-là, sort un peu des clous en voulant aller trop loin, et fait un pas de côté qui se discute franchement, point de vue crédibilité. Mais rien de rédhibitoire, loin de là, depuis ‘Derrière La haine », je n’ai jamais été déçue par la qualité des intrigues de Barbara Abel. Son style accessible mais qui sait très bien rendre la complexité des sentiments humains exacerbés fait mouche à chaque fois. «Et les vivants autour » vous bouscule, ébranle vos certitudes et pose des questions éthiques modernes et troublantes. Le roman vous happe et vous embarque jusqu’au dernier mot dans une histoire passionnante en plus de s’avérer parfaitement crédible : du (très) beau travail.