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A l’aube de ses 40 ans, Anne Darney part à San Francisco sur un coup de tête. Depuis ses 16 ans, elle est obsédée par l’histoire d’amour sans lendemain qu’elle a vécu avec un jeune américain en vacances en France, Daniel Harling. Si professionnellement elle a réussi sa vie (elle présente une célèbre émission culinaire à la télévision), sa vie sentimentale est un fiasco, une collection d’histoire sans lendemain. Tout cela, c’est la faute de cet amour fou dont elle n’a jamais réussi à faire le deuil. Mais cette fois, elle est bien décidée à retrouver Daniel et exorciser ce traumatisme sentimental. Une fois sur place, c’est le choc, elle ne retrouvera jamais Daniel, Daniel à disparu. Ce qu’elle va trouver en Californie, en revanche, c’est Bill Rainbow, un policier à la retraite très amateur de gastronomie française. Ils concluent tous les deux un deal : elle lui prépare un réveillon d’anthologie pendant que lui ressort le dossier de Daniel pour comprendre ce qui lui est arrivé.
Il est quand même un peu étrange, le roman de Sophie Loubière. Et même si on prends plaisir à lire l’intrigue, on reste un petit peu sur notre faim, ce qui est le comble pour un livre qui parle de gastronomie avec gourmandise, au point de glisser en postface quelques recettes de haute volée qui mettent la bave aux lèvres (mais dont je m’empresse de vous dire qu’elles sont trop complexes pour un cuisinier du dimanche !). L’intrigue met d’abord un temps certain avant de réellement débuter. Pendant le premier tiers du roman, les chapitres entre Anne (qui se morfond à Paris, prend l’avion, puis découvre ce qui est arrivé à Daniel, puis se morfond de nouveau dans son hôtel californien) et Bill (solitaire, suicidaire, ancien alcoolique violent avec son ex-femme). Une fois les deux personnalités croquées comme il faut, avec leur immenses failles, leur passé chaotique et leurs angoisses existentielles, Sophie Loubière les met en relation. Se noue alors entre eux une sorte de manège amoureux assez charmant, je dois dire. D’habitude, les histoires d’amour qui viennent parasiter les romans noirs ça fonctionnent mal mais là, on ne peut que les trouver attendrissants. Lui est chamboulé comme s’il avait de nouveau 17 ans, elle se laisse mener par le bout du nez par cet amateur de bonne chère qui la ballade d’épiceries fines en marchés bio. Le chapitre où ils cuisinent ensemble les mets du réveillon est aussi gourmand qu’il est suggestivement érotique ! Alors que jusque là, le roman fonctionnait bien malgré quelques longueurs, et qu’on avait découvert ce qui était arrivé à Daniel avec une certaine stupeur (rebondissement parfaitement réussi et inattendu, crédible si on est un peu indulgent en matière de psychologie criminelle), le roman nous prend à contrepied pour nous amener vers un final totalement déroutant. Le livre est composé de 5 grandes parties : les hors d’œuvre, l’entrée, le plat principal, le dessert et l’addition. Et l’addition, celle que Anne et Bill vont devoir payer en quelque sorte, est exorbitante ! Alors je ne sais pas trop quoi en penser, elle m’a complètement cueillie à froid. Cette fin très surprenante fait qu’on ne sait pas bien, en refermant « « Dans l’œil noir du corbeau », si on l’a aimé ou pas… Reste une certitude, celle d’avoir voyagé dans une Californie du Nord assez fascinante. Le roman insiste sur le fait que cette région, comme d’autres aux Etats-Unis, a une vraie culture gastronomique. De France, on imagine toujours le pire en matière de nourriture nord américaine. Mais Sophie Loubière nous montre un San Francisco peuplé de petites boutiques attrayantes, remplies de produits de qualité, bio et raffinés, ouvert sur toutes les gastronomies du monde. Le roman donne très envie de visiter cette région de San Francisco. « Dans l’œil noir du corbeau » est un magnifique guide voyage mais un livre déroutant qui ne fait pas partie, malheureusement, des meilleurs romans de Sophie Loubière.