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Un point c'est (pas) tout

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Critique cinéma : La Voie de la Justice

Publié par Christelle Point sur 2 Février 2020, 16:31pm

Alors qu’il est fraichement diplômé en droit de Harvard, et qu’il pourrait sans problème accumuler les dollars au sein d’un grand cabinet de New-York ou de Chicago, Bryan Stevenson choisit une autre voie, bien plus périlleuse, moins prestigieuse et ô combien mois rémunératrice, celle d’assister gratuitement les condamnés à mort et de tout tenter pour faire réviser leur procès lorsque cela est possible. En 1992, il débarque en Alabama pour défendre 6 condamnés, parmi eux Walter MacMillian, condamné en 1987 pour le meurtre d’une jeune fille blanche. Il acquiert la conviction rapidement que MacMillian est innocent, mais si lui éviter la chaise électrique est un challenge déjà compliqué, l’innocenter en est un autre. Pour cela il faudrait que la Justice du Comté se déjuge, et ça, même au pays d’Harper Lee et se son « oiseau moqueur », c’est difficilement envisageable.

Affublé d’une titre navrant (encore merci aux distributeurs français qui sont décidément d’une régularité parfaite en la matière !), « La Voie de la Justice » est la transcription à l’écran de l’histoire de l’avocat américain Bryan Stevenson, qui a dédié sa carrière à la défense des condamnés à mort, à travers de sa première affaire, l’affaire MacMillian au début des années 90. C’est donc une histoire tristement vraie que dépeint le film et c’est important de le souligner d’entrée de jeu tant ce qui est montré à l’écran est édifiant, et je pèse mes mots. La réalisation de Destin Daniel Cretton est sobre, d’une certaine manière elle s’efface derrière l’importance de son sujet et on peut penser que ce n’est pas plus mal. Pas d’effets de caméras flamboyants, pas de flash back venant interrompre la narration, pas de plans séquences interminables ni de contre champs de folie, ici on est dans la sobriété. La musique n’est pas omniprésente (merci…) et quand elle est utilisée, comme dans la scène de l’exécution (parce que oui, il y a une scène de chaise électrique, elle ne nous est pas épargnée), elle trouve une justification dans le scénario. En fait, c’est comme si Destin Daniel Cretton avait voulu faire le film le plus neutre possible dans sa forme, histoire de mieux monter le fond, qui lui est tout sauf neutre. Je souligne quand même l’importance du son, justement là encore dans la scène de la chaise électrique. Vous ne saviez pas quel bruit ça fait, une exécution par électrocution ? Et bien vous le saurez grâce à ce film. Le casting est dominé par la composition d’une part de Jamie Foxx et d’autre part de Michael B Jordan. Le premier incarne parfaitement bien Walter MacMillian, un homme brisé par un système judiciaire qui l’a broyé et qui, au fil des minutes qui passent, relève la tête et reprend espoir, presque malgré lui. Le second, on aurait pu craindre qu’il soit un peu écrasé par Jamie Foxx mais en fait non. Son personnage prends après la scène de la chaise électrique (sans doute le point de bascule du scénario), une vraie épaisseur dramatique et on le sens, lui aussi au fil des minutes, de plus en plus opiniâtre, de plus en plus hargneux, de plus en plus en colère aussi. Cette colère rentrée, froide, qui le fait encore avancer lorsque tout parait perdu, on peut la lire dans les yeux de Michael B Jordan. En creux, le scénario dessine aussi des seconds rôles plus intéressants qu’on aurait pu le croire de prime abord, celui du procureur d’abord, piégé, disons-le, par le racisme de son électorat et de sa police. Et puis ce jeune gardien de prison, très impressionné par sa première exécution et dont on sent les convictions vaciller sans que jamais une parole ne vienne le confirmer, juste dans le regard et dans les gestes. Le scénario de « la Voie de la Justice » n’est pas très compliqué ni à résumer, ni à suivre, c’est l’histoire d’une erreur judiciaire comme il y en a beaucoup trop, dans un Etat du Sud, façonnée par une police raciste, par une justice aveugle, et par un système gangréné en profondeur. On ne met pas longtemps à comprendre comment Walther MacMillian en est arrivé dans le couloir de la mort alors qu’il a un alibi en béton, aucune preuve matérielle contre lui et absolument aucun mobile : il a couché avec une femme blanche quelques mois auparavant. Qui a tué cette jeune fille innocente de18 ans ? A vrai dire tout le monde s’en fiche pourvu qu’on ait un noir à amener jusqu’à la chaise électrique. Pour ce faire, tous les moyens sont bons et il suffit d’un seul témoignage à charge, celui d’un criminel suffira, il suffit juste qu’il soit blanc. Comme ça tout le monde est content, le procureur et son sheriff seront réélus. Faire réviser un procès dans ce contexte est une gageure : vous pouvez apporter toute les preuves que vous voulez, le système veut la peau de MacMillian, il ne se déjugera pas. Le scénario ne fait pas dans la dentelle, c’est sur. Tout ce qu’on pouvait attendre du film nous est apporté sur un plateau : le shérif honteusement raciste, les petites vexations qu’exercent la population blanche sur l’avocat noir (fouille à corps, arrestation arbitraire, intimidation des témoins), le coup de fil de menace, le public noir qu’on fait entrer en dernier dans le tribunal pour qu’il reste debout au fond de la salle, etc… C’est binaire, c’est manichéen, c’est sans grande nuance, c’est tout ce que vous voulez… Mais c’est la réalité du racisme institutionnalisé du Sud des Etats-Unis qui est caricaturale, il suffit de regarder les news : qui est flingué par la police pour un excès de vitesse, qui peuplent les prisons américaines pour des peines surréalistes de plusieurs centaines d’années, qui est innocenté après de longues années dans les couloirs de la mort ? Les pourcentages sont têtus, les faits sont têtus, le cinéma fera des films militants tant que la question raciale ne sera pas réglée aux Etats-Unis. « La voie de la Justice » est un film militant, contre la peine de mort, contre le racisme institutionnel. Pour ce faire, il frappe fort, il n’a pas d’autre choix. Ca ne me pose pas spécialement de problème, le film n’avance pas masqué et il dépeint sans phare une réalité bien tangible. La scène d’exécution, dont j’ai déjà parlé, était-elle indispensable ? Sur le moment, j’ai pensé que c’était le point faible du film, le côté pathos et démonstratif du scénario. Mais à bien y réfléchir, c’est une scène dont le film ne pouvait pas faire l’économie : monter la peine de mort bien en face, c’est faire bien plus pour son abrogation que tous les discours du monde. Alors acceptons « La Voie de la Justice » dans sa globalité, fermons les yeux sur ses petits défauts, sur sa durée un tout petit peu trop longue, sur son manque de nuance, l’importance de son sujet le vaut largement.

La bande annonce de "La Voie de la Justice"

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