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Un point c'est (pas) tout

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Critique cinéma : Les Vétos

Publié par Christelle Point sur 12 Janvier 2020, 15:55pm

Le jour où Alexandra, fraichement diplômée de l’Ecole Vétérinaire de Maison Alfort,  reçoit le coup de fil de son oncle, installé vétérinaire dans le Morvan Nivernais, elle prend sa voiture et fonce vers le (tout petit) village de Mhere. Son oncle est sa seule famille et au téléphone, il lui a dit qu’il était mourant. Sauf qu’une fois arrivée, elle se rend compte qu’il lui a menti, et qu’il compte sur elle pour prendre sa place dans le cabinet aux côté de Nicolas, son associé. Mise devant le fait accompli, Alexandra se sent piégée mais se sent également obligée de rester, sauf que la greffe de la parisienne dans la campagne profonde est difficile… pour tout le monde.

On ne va pas se mentir, sur le papier le film de Julie Manoukian ne partait pas gagnant avec moi. Perso, je n’ai jamais rêvé de soigner les animaux et la vie à la campagne et le bon sens paysan, très vite, ça me saoule. Le seul avantage des « Vétos », à mes yeux, c’est qu’il met en scène la région de mon enfance, et le petit village qui est filmé ici, les paysages alentours, le « vert pays des eaux vives », je le connais bien pour y avoir passé, comme le personnage d’Alexandra, une partie de mon enfance. Julie Manoukian livre un long métrage très bucolique, et elle filme l’été de la campagne morvandelle avec un vrai sens de l’esthétique et des couleurs. Son film passe bien, il est illustré par une musique peut-être un peu maladroitement utilisée (un animal sauvé : une musique), qui appuie un peu trop les effets. Il y a peu de scènes tristes, alors que je m’attendais à des drames, des euthanasies de chien avec enfants en pleurs et ce genre de choses. Je lui en suis gré, elle aurait pu user et abuser de la corde sensible et elle ne le fait pas. Elle privilégie un peu la comédie, et même si son scénario est cousu de fil blanc, et bien on se laisse embarquer sans déplaisir dans son film, 1h40 durant, le temps passe vite, ce qui est bon signe. C’est réalisé de façon très propre, il faut dire que « Les Vétos » est son premier film de cinéma alors elle s’est appliquée, elle est restée dans les sentiers bien balisé du métier, c’est normal et je ne m’attendais pas vraiment à autre chose. Son casting, qui a la bonne idée de laisser une belle place aux seconds rôles (Carole Franck, Matthieu Sampeur, Lilou Fogli ou le trop rare au cinéma Michel Jonasz), met en scène le couple attendu des comédies : le vieux bougon qui sait tout et le jeune novice qui croit tout savoir : voir l’affiche du film, plus « bateau » tu meurs ! Le vieux bougon, c’est Clovis Cornillac et je trouve qu’il est parfait en vétérinaire au bord du burn-out. Père d’un gamin quasi ingérable (un des ressorts comiques du film), marié à une kiné qui commence à en avoir un peu marre de la campagne et du métier envahissant de son homme, vétérinaire « à l’ancienne » alors qu’il n’est pas si vieux que cela, Cornillac vampirise l’écran, comme à chaque fois qu’il apparait, on ne voit que lui. Il a le ton qu’il faut, il n’est jamais caricatural, fragile sans être pathétique, bourru mais pas désagréable, très juste. Bon, je suis assez fan de ce comédien depuis des années, je ne suis pas surprise. Pas évident sans doute pour Noémie Schmidt d’exister à côté d’un charisme comme celui de Cornillac. Avec son physique de fille fragile, elle fait au début un peu légère dans le rôle d’une vétérinaire en devenir, elle est même moyennement sympathique au début. Son rôle prend de l’épaisseur au fil des minutes, plus on en apprend sur son enfance, et plus elle met les mains dans le cambouis (ou plutôt dans les vaches dans une scène d’accouchement épique!). Forte d’une réalisation sans fausse note et d’un casting bien ciselé, il fallait aux « Vétos » un scénario qui tienne la route. C’est sans doute de ce côté-là que ça pêche un peu. On sait s’emblée comment ça va finir, le film suivant un cahier des charges bien connu, j’aurais pu dés les premières minutes vous décrire la dernière scène ! C’est quand même un peu énervant ce canevas usé jusqu’à la corde ! J’avais un peu peur que Julie Manoukian fasse dans le mauvais cliché de la parisienne qui filme la campagne profonde façon « Délivrance ». Bon, elle cède un petit peu à cette facilité, avec l’accent qu’on ne comprend pas, le troupeau de vache sur la route, l’éloignement de la civilisation (40 kilomètres pour trouver des Chocapic !), les équipements old school (dans le cabinet et chez les particuliers), etc… Mais j’avoue qu’elle aurait pu faire pire, parce que la réalité n’est pas si éloignée. Il n’y a pas de condescendance de Paris vers la province et inversement, c’est déjà ça. Le film aborde aussi le problème de la désertification, des écoles qui menacent de fermer, des éleveurs (le Morvan est surtout une terre d’élevage) qui sont financièrement aux abois, de l’éloignement du bassin d’emploi, de l’éloignement de la vie culturelle aussi (la femme de Nicolas en souffre silencieusement), de ce fait que ces petits villages, aussi bucoliques soient ils en été, meurent doucement et inévitablement. L’hiver, les protagonistes en parlent à la fin avec le vétérinaire belge (qui déchante drôlement vite !), Julie Manoukian s’est bien gardée d’y camper son film, et pour cause… Il est écrit sur l’affiche que son film allait « susciter des vocations », mais si elle avait filmé ce coin là en hiver, je n’aurais pas parié un euro dessus ! Je ne regrette pas cette charmante séance de cinéma, même si je trouve que le film aurait pu être beaucoup plus original et audacieux dans son scénario. Il va avoir son petit succès, à n’en pas douter, et il va peut-être susciter quelques vocations, tant mieux : tant mieux pour les animaux, et tant mieux pour le Morvan aussi, sait-on jamais…

La bande annonce de "Les Vétos"

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