
Célèbre auteur de polar, Harlan Thrombley est découvert dans sa chambre la gorge tranchée, le lendemain de son 85ème anniversaire. Toute la famille était réunie pour la fête d’anniversaire, cela ferait autant de suspects si la police, sur ses premières constatations, ne penchait plutôt pour un suicide un peu spectaculaire. Benoit Blanc, détective privé engagé par on ne sait qui (lui-même n’en aucune idée) seconde la police dans cette ténébreuse affaire. Lui, de son côté, penche pour la version criminelle et entend bien faire jaillir la vérité de cette famille aussi riche que gorgée de rancœurs et de haines recuites.
Quelle jolie surprise que ce film, n’est il pas ? Alors que le résumé, l’affiche, et même le titre ne donnent pas franchement envie, il faut laisser sa chance à cette petite gourmandise policière « so british ». Avec un film de plus de 2h20 dont le sujet sonne comme un énième Agatha Christie, le défi de Rian Johnson n’est pas simple sur le papier. Mais bon, les défis ça le connait depuis qu’il s’est coltiné « Star Wars, les derniers Jedi ». Alors ce n’est pas un polar au parfum d’Earl Grey qui va lui faire peur ! Objectivement, Rian Johnson réussi à proposer un film qui fonctionne très bien et qui ne laisse pas une seconde d’ennui. Evidemment, c’est très bavard, on n’est pas dans un thriller américain avec des courses de voitures… Encore qu’il y en a une dans « A Couteaux Tirés », un peu pathétique mais quand même… Mais avec un montage hyper dynamique à base de flash back très fréquents et très courts, il dessine une sorte de puzzle policier qui maintient l’intérêt, et aussi le suspens (c’est important) jusqu’au bout du bout des 2h20 de film, et ça c’est déjà énorme. Si vous agrémentez le tout d’un humour anglais très efficace et parfaitement dosé, d’une musique certes peu originale et passe partout mais sympathique et pas envahissante, et si vous octroyez même le plaisir de quelques gros plans audacieux (façon « Les Experts »), alors vous n’êtes vraiment pas loin de la formule magique du bon film. Johnson fait des clins d’œil appuyés à Agatha Christie, tant son personnage principal fait penser à Hercule Poirot. Certes, c’est un Hercule Poirot au physique de James Bond, mais il a comme lui un nom bien français, un flegme bien britannique, un humour bien anglais et une fâcheuse tendance à dévoiler la vérité de toute l’affaire dans une sorte de monologue final pendant lequel tout le monde boit ses paroles ! C’est Daniel Craig qui campe un Benoit Blanc débonnaire mais perspicace, et je dois avouer que je le préfère dans ce genre de rôles que dans un James Bond. Autour de lui, c’est un festival de noms connus : Chris Evans, Don Johnson, Michael Shannon, Toni Collette, Jamie Lee Curtis ou encore Christopher Plummer, et tout ce petit monde semble bien s’amuser à jouer au Cluedo grandeur nature. Mais on va faire une petite mention spéciale à Ana des Armas, qui incarne l’infirmière Martha. Personnage central de l’intrigue, elle donne corps à une jeune femme attachante, incapable de mentir sans vomir (du coup elle vomit presque aussi souvent que Dominique Farrugia dans « La Cité de la Peur » !) mais peut-être pas aussi innocente que son joli minois et ses yeux humides peuvent le laisser supposer. C’est une jolie comédienne quoi réussi là une jolie performance, sans esbroufe. Mais le scénario est le cœur du film et c’est est aussi important que le trou dans un donut : sans bon scénario, pas de bon film aussi sur qu’un beignet sans trou n’est pas un donut ! Il fallait que l’intrigue soit à la fois complexe et compréhensible, qu’on arrive vite à se situer dans une galerie de personnages importante (les premières minutes on patauge un peu mais les repères viennent vite, pas d’inquiétude), et surtout que jusqu’à la fin, on se demande qui à fait quoi et qui manipule qui ! De ce côté-là, c’est plutôt réussi, à chaque fois qu’on croit avoir dénoué le nœud bien emmêlé de l’intrigue, un rebondissement vient tout remettre en cause. En fait, c’est une grande partie de Cluedo que le film propose : on sait qui a été tué mais le coupable, le comment et le pourquoi restent à démêler. Il faut dire que comme famille dysfonctionnelle, la famille Thrombley se pose là : question argent, politique, ambition, tout les sépare et tout est sujet à chamailleries. Dans ce contexte, la discussion sur Donald Trump lors du tea time dégénère comme ca doit être le cas dans beaucoup de familles anglo saxonnes, l’enquête de police fait ressurgir les antagonismes, les jalousies, les frustrations de tout le monde et l’on se dit que l’ouverture du testament va être épique ! Et la scène d’ouverture du testament ne déçoit pas sur ce point ! On peut penser que certains personnages sont un peu outranciers, mais parfois je me dis que le monde d’aujourd’hui est outrancier alors les personnages de film peuvent se permettre de l’être un peu. Une famille qui explose à cause du meurtre du riche patriarche, c’est vrai que ce n’est pas très original, j’en conviens, mais ça marche toujours, la preuve ! Le film se termine sur la même image que la toute première, pour boucler la boucle de cette enquête policière agréable comme un scone anglais accompagné d’un thé bergamote. Bien sur, on est dans du pur cinéma plaisir, le film n’a aucun message précis, c’est un polar à l’ancienne bien troussé qui fait penser au « Crime de l’orient Express » sans en avoir toutefois le souffle et la puissance. Mais c’est une très bonne séance de cinéma pour qui aiment les polars et l’humour anglais, et j’avoue que j’adore les deux…