
Il s’appelle Max, tout du moins c’est ainsi que sa mère biologique l’a appelé, L’Allemagne, elle l’appellera Konrad. Max est né le jour de l’anniversaire du Führer, le 30 avril 1936, dans un Lebensborn. Il est le fruit de l’expérience nataliste du régime nazie, sa mère biologique était une bonne aryenne bien blonde, et son père biologique un SS mais son vrai père c’est Hitler et sa vraie mère c’est l’Allemagne. Nazi avant même sa venue au monde, Max naît sans famille, dans l’unique optique de servir son pays, sa race et son Führer. De 1936 à 1945, de l’Allemagne triomphante à l’Allemagne ruinée, du Lebensborn à la cave confinée du Berlin de 1945, Max passe de main en main, d’institut en instituts jusqu’à ce que l’avancée russe le jette sur la route, sans but, sans famille, sans rien. Le roman de Sarah Scali, très documenté, très facile à lire (à tel point qu’il est tout à fait abordable pour des adolescents), aborde un aspect fort mal connu du régime nazi : la recherche eugénique de l’enfant (futur soldat) parfait à travers d’abord des usines à bébés (longtemps méconnues, voire niées historiquement), puis de la « germanisation » des enfants polonais compatibles (volés pendant l’invasion de la Pologne), puis par les « Napola », véritables machines de propagande d’un Reich qui devait durer mille ans. Même en connaissant un peu le sujet, même avec tout le recul historique possible, cette obsession hitlérienne pour la pureté de la race, ce programme de fabrication de parfait nazi fait froid dans le dos. Le personnage de Max, que l’on suit pendant 9 ans et demi, a une attitude, une mentalité, une idéologie nauséabonde, il participe activement à des méfaits innommables et pourtant, ce n’est qu’un enfant, une victime de plus d’un régime mortifère et insensé. On n’arrive pas à le détester, on peut même le trouver touchant lorsque presque à son corps défendant, il recherche une mère de substitution, un grand frère de substitution (qui seront juifs tous les deux, ce qui ne manque pas de lui poser un sacré problème!). Il est la preuve que toute la propagande du monde ne parvient jamais à annihiler cet instinct là, celui de l’amour familial. C’est un roman qui fonctionne d’emblée et jusqu’à la dernière page. Au travers de ce que je pourrais qualifier d’un roman de qualité pour adolescent, j’ai malgré tout appris pas mal de choses que j’ignorais encore sur l’horreur nazie, et notamment sur cet aspect précis, bien particulier et mal connu encore aujourd’hui (assez peu évoqué dans la fiction, au regard de tous les autres aspects de l’Allemagne nazie). « Max » est la preuve que, avec une fiction de qualité et sans prétention, on peut encore ouvrir les yeux et apprendre des choses sur une période que l’on croit pourtant très bien connaître.