
1793, dans les bas-fonds de Stockholm, Jean Michael Cardell, un ancien militaire passablement ivre plonge dans les eaux glacés pour secourir un noyé. En fait, c’est un cadavre qu’il récupère, sans bras, sans jambe, sans langue, sans yeux et aux tympans perforés : le pauvre bougre a été torturé pendant des mois. L’enquête est confié à Cécil Winge, et se sera sa dernière car il est tuberculeux au dernier degré. Winge s’adjoint les services de Cardell pour découvrir qui est la victime, qui lui a fait ces horribles choses et pourquoi. Voilà un polar historique digne de ce nom ! Il peut paraitre un peu difficile d’accès au premier abord mais c’est une fausse impression, il est passionnant, et pas évident à lâcher. Dans sa forme, il est original : 4 grandes parties. La première est celle que je viens de résumer. Le deuxième nous désoriente, elle met en scène un personnage différent (un apprenti chirurgien victime d’une escroquerie et poursuivi par des usuriers) et on met un certain temps à rattacher cette histoire à la première. A peine on a fait le lien que rebelote, avec la troisième partie et l’histoire d’une orpheline incarcérée dans une Filature pour prostitution. Là encore, il faut attendre la toute fin de cette partie pour la lier à l’intrigue, avant de retrouver Cardell et Winge pour le dénouement. C’est écrit de façon très fluide, on ne perd jamais le fil et on ne mélange pas les personnages comme c’est parfois le cas dans les romans nordiques ! La toile de fond historique est importante, elle est même un capitale si on veut comprendre l’enquête. En Suède nous sommes dans une période de régence, et c’est toujours un moment particulier dans une monarchie, où le pouvoir est instable et la société verse facilement dans la violence et la criminalité. Et puis surtout, à quelques milliers de kilomètres, la Révolution Française a sombré dans la Terreur. C’est loin, certes, mais le souffle parvient jusqu’en Suède, tandis que les idées infusent dans le peuple, la paranoïa s’empare de la noblesse. Tout cela forme un cocktail explosif qui compose l’intrigue de « 1793 ». Le dénouement est tout à fait convainquant (et on remarque que Winge, qui se sait condamné, a une façon bien particulière de rendre Justice !), il y a même un peu de suspens dans les dernières pages, et même, qui sait, l‘aube d’une histoire d’amour à peine ébauchée. Après tant de noirceur, de pauvreté et de violence, cette fin douce amère est hautement appréciable. Si vous n’avez pas froid aux yeux question polar, je vous conseille vivement « 1793 ». Le titre est plus facile à retenir que celui de son auteur, Niklas Natt och Dag. C’est son premier roman et dont, je pense, son nom finira par nous devenir familier.